« Je crache sur la Russie » disait Lénine. C’était vrai pour les autres aussi. Les vainqueurs de la révolution [de 1917] ne se sentaient pas Russes, n’aimaient pas le peuple russe, et ils ne tardèrent pas à le lui prouver. C’étaient avant tout des intellectuels qui avaient une vision théorique et abstraite de la révolution. Et qui admiraient par dessus tout la révolution française, référence absolue, qu’ils connaissaient bien pour avoir vécu à plusieurs reprises en exil à Paris.
Les analogies ne manquent pas d’ailleurs entre les deux révolutions : toutes deux menées par une minorité au nom du peuple, elles se sont toutes deux accompagnées de terreur comme moyen de gouvernement -une terreur destinée dans les deux cas à « régénérer » l’humanité en éliminant les nuisibles-, elles se sont toutes deux réclamées des droits de l’homme pour mieux les violer systématiquement, elles ont toutes deux espéré propager l’incendie aux pays voisins, elles ont toutes deux massacré leurs rois pour, du passé, faire table rase et construire un ordre nouveau.
Et enfin, elles ont toutes deux été favorables aux juifs : la révolution française les a émancipés en 1791, la révolution bolchevique a interdit l’antisémitisme sous peine de mort dès 1918.
On peut même affirmer que la révolution bolchevique est l’enfant monstrueux et abouti de la révolution française. Et que c’est là la vraie raison pour laquelle le régime qu’elle a engendré continue à bénéficier, encore aujourd’hui, malgré ses crimes et ses faillites, d’une secrète tendresse et d’une coupable indulgence de la part de ceux qui, en France, n’ont pas eu à le subir.
Anne Kling, La France LICRAtisée.
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4 commentaires
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février 3, 2011 à 9:04
Valiel
Wow, c’est un point de vue bien tranché… parfois bien excessif.
février 5, 2011 à 1:47
lecheminsouslesbuis
excessif ? non je ne le pense pas … il suffit de regarder les faits et de faire les analogies qui sont évidentes …
février 5, 2011 à 5:49
Valiel
Et bien, le parallèle est intéressant je trouve, mais pas forcément assez argumenté pour être soutenu. D’où le fait que je trouve ça un peu excessif. Et puis il y a des faits isolés qui sont mis en avant, et ça n’est pas très rigoureux. Ex :
Et enfin, elles ont toutes deux été favorables aux juifs : la révolution française les a émancipés en 1791, la révolution bolchevique a interdit l’antisémitisme sous peine de mort dès 1918.
Pour la R.française, c’est vraiment réducteur de parler ainsi, même si dans les faits c’est peut-être juste (mais encore faudrait-il vérifier, et ça ne serait pas si flagrant que cela à mon avis)
Pour la révolution bolchévique, je ne savais pas, je l’ai appris avec ce texte donc. Mais c’est une aberration d’en faire un exemple puisqu’il y a eu des pogroms vraiment ignobles et très nombreux…
février 7, 2011 à 12:58
lecheminsouslesbuis
« Pour la R.française, c’est vraiment réducteur de parler ainsi, même si dans les faits c’est peut-être juste (mais encore faudrait-il vérifier, et ça ne serait pas si flagrant que cela à mon avis) »
je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit de réducteur là car je ne résume pas la Révolution française à l’émancipation des juifs, je cite simplement le fait en tant qu’analogie entre les deux révolutions. Car il est exact que c’est l’abbé Henri Grégoire qui fit voter par la Constituante en 1791 le décret donnant la citoyenneté française aux juifs et leur reconnaissant des droits civils et politiques. La LICRA lui en sera tellement reconnaissante (ce qui montre que ce « fait isolé » a encore des répercussions aujourd’hui …), que pour le bicentenaire de la Révolution, elle obtiendra le transfert des cendres de l’abbé au Panthéon, ainsi qu’un timbre à son effigie !
« Pour la révolution bolchévique, je ne savais pas, je l’ai appris avec ce texte donc. Mais c’est une aberration d’en faire un exemple puisqu’il y a eu des pogroms vraiment ignobles et très nombreux… »
Au contraire, je considère le fait comme suffisamment important pour qu’on lui donne valeur d’exemple.
Au sein de le la toute première équipe qui s’empare du pouvoir en 1917, Léon Trotski, qu’on ne présente plus (!), Yakov Sverdlov, président du comité central exécutif, Gregory Zinoviev, chef du Komintern, Karl Radek, commissaire à la presse, Maxime Litvinov, commissaire aux affaires étrangères, Lev Kamenev, Lazare Kaganovitch, beau-frère de Staline étaient juifs. Le grand-père de Lénine lui même était un commerçant juif d’Odessa.
Le Times, en 1919, souligne qu’ « une des caractéristiques les plus intéressantes du mouvement bolchevique est le haut pourcentage d’éléments non russes de l’équipe dirigeante. Sur environ trente commissaires ou dirigeants qui forment l’appareil central bolchevique, 75 % pour le moins sont des juifs ».
Quant aux « pogroms », ils n’eurent lieu qu’en 1936-39 et sanctionnèrent uniquement des LUTTES INTERNES au Parti! D’ailleurs, le Journal de la LICRA, en 1977, écrit : « toutefois, le Parti se garda de tout recours systématique à l’antisémitisme politique jusqu’aux grandes purges des années 1936-1939 qui liquidèrent la vieille garde au sein de laquelle les juifs jouaient un rôle particulièrement important ».