« (…) Chez nous, on relit toujours les mêmes livres et auteurs, on voit les mêmes films ou le même genre de films. On a une dimension esthétique/artistique totalement uniforme, hostile. Avec une totale absence d’ouverture d’esprit et de curiosité intellectuelle. Conformisme et encéphalogramme plat. On ne risque pas de surprendre l’adversaire qui peut tranquillement nous (re)garder dans le cocon caricatural que nous nous sommes tricotés tout seuls hélas (du moins en majeure partie) !
Comme dans le reste de la population française (et ça va en empirant chez les plus jeunes), la plupart des nôtres n’a aucune culture classique : tout ce qui précède le XXe siècle lui est totalement inconnu. L’Antiquité ? Que dalle. La musique classique, l’histoire de l’art, le cinéma (le vrai, pas Fight Club ou Matrix, sympathiques films mais bon, à côté de Fritz Lang, Melville ou Wilder, c’est peau de balle !) Et s’ils étaient un peu curieux, ils se délecteraient aussi à coup sûr de films comme Le Voleur de bicyclette, Attak ou La Colline des hommes perdus par exemple (…). La littérature, l’histoire de l’art : zéro pointé. L’honnête homme de Taine a aussi bel et bien disparu de nos contrées On se plaint (à juste titre) du niveau lénifiant de la jeunesse d’aujourd’hui. Mais chez nous c’est pareil ! Profitons en d’ailleurs pour montrer du doigt toute cette classe pourrie de politiques et d’enseignants qui ont sacrifié depuis trente ans sur l’autel de la rentabilité décérébrante (« Tu feras une école de commerce -ou d’ingénieur- mon fils ! ») les humanités, la culture classique et la culture tout court, l’orthographe et la connaissance de notre propre langue. Yourcenar ou Jacqueline de Romilly ont eu beau s’époumoner, c’est Yannick Noah, Bezancenot et Marc Lévy qui ont gagné.. Je pense que Maîtres & complices de Gabriel Matzneff apporte infiniment plus que pas mal de livres d’auteurs surcotés chez nous, ou que Chemin faisant de Jacques Lacarrière surclasse à l’aise Blaise les œuvres complètes de Jean Madiran reliées en peau de Sénégalais sortant de la messe de Mgr Lefèvre à Dakar. Pourtant ces deux textes évoquent tellement bien ce que nous sommes !
Je fais partie de ceux qui, issus d’une famille pas du tout facho, ont rejoint notre camp, beaucoup plus grâce à la littérature que par la philosophie politique ou la sociologie. Bien entendu, j’aime Rebatet, Brasillach, Drieu, Saint-Loup, Von Salomon… Mais Céline, Giono, Vincenot, Hemingway, Flaubert, London, Stendhal, Barbey d’Aurévilly, Montherlant, Henri Miller, Steinbeck, Yourcenar m’ont tout autant appris à me sublimer. Avec ce petit truc en plus : le style, le souffle. Peu de penseurs et essayistes ont ce souffle là (sauf Nietzsche).
(…) Plutôt que de proclamer que nous sommes des guerriers supra-nietzschéens, l’élite de l’élite de l’élite qui a vu l’élite, l’avant-garde de demain, essayons de nous surpasser tout en gardant les pieds sur terre (la fréquentation quotidienne des grands auteurs ramène toujours à l’humilité!). Essayons aussi d’ouvrir les les yeux et les sens vers tout ce qui est beau, sans nous soucier des ricanements des monomaniaques ressassant toujours les mêmes auteurs et thèmes. »
Pierre Gillieth. Une élite ? Ah ? Où ça ??? Réfléchir et Agir n°39.
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6 commentaires
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mai 31, 2012 à 9:01
elcmar
J’ai lu et vu la plupart des œuvres que ce monsieur cite. C’est en grande partie grâce à elles que je me suis éloigné de l’extrême-droite. L’idée que je me fais d’une culture classique étant totalement incompatible avec cette idée de communauté nationaliste si XIX ème siècle. Je n’éprouve plus aucune envie de faire partit des « nôtres ». Les Nôtres dans les Démons de Dostoïevski ceux sont les nihilistes socialistes qui finissent par se faire roulés par Piotr Stefanovitch. Les nihilistes pseudo Nietzschéen ne valent pas mieux. Je suis bien placé pour la savoir puisque j’en ai été un avant que les « Anciens » ne m’ouvrent les yeux.
juin 1, 2012 à 7:50
lecheminsouslesbuis
bien entendu chaque cas est particulier … il faudrait bien évidemment redéfinir tous les termes et pour moi la signification de « extrême droite », « nationaliste », « nihiliste », « socialiste » diffère beaucoup de ce qu’ils représentent pour toi… en fait on emploie un certain vocabulaire beaucoup plus par commodité que pour son sens véritable. Par exemple je ne refuse pas l’appellation d’extrême droite mais en y réfléchissant il n’est pas pour moi question d’appartenir à quelque chose qui serait à l’extrême de cette droite libérale qui nous gouvernait il y a encore quelques semaines et que j’exècre ! « nationaliste » ? oui pourquoi pas s’il s’agit d’un nationalisme européen et social : rien à voir avec le nationalisme tel qu’il était quand il est né à l’avènement de la IIIe république…
Quoi qu’il en soit, ce sont bien tous ces auteurs (Homère, Flaubert, Stendhal, Mac Orlan, Carco, Céline, La Varende, Brasillach, Déon, Blondin, Perret, etc. etc.) qui m’ont fait tel que je suis aujourd’hui…
juin 6, 2012 à 4:58
elcmar
Oui il faudrait en effet redéfinir au préalable le sens des mots. Pour moi la droite qui nous gouvernait n’était absolument pas libérale, au sens où un libéral avec de fortes tendances conservatrices entend le mot libéralisme 😉
juin 2, 2012 à 10:43
rixaone49520
Lire c’est vivre, avec des auteurs connus ou inconnus. Jamais, depuis que je sais lire, je n’ai pu passer une journée sans lecture. Les listes d’auteurs obligés, en fonction des chapelles politiques côtoyées, m’ont toujours barbé, semblé minables et réductrices, impraticables pour l’esprit curieux qui était le mien. Et il fallait bien l’avoir cet esprit-là, rivé au corps à coup sûr, pour échapper à la pensée dogmatique, héritée du christianisme.
« Je crois qu’il faut lire énormément pour écrire un peu. On ne lit jamais assez. C’est en lisant comme un fou, moitié illuminé, moitié malade, qu’on entre dans cette espèce de rumeur interne, de monologue incessant qui permet d’écrire.
De tous les actes qu’un type de mon genre peut encore accomplir, le plus messianique est encore la lecture. Lire et écrire sont les deux mêmes moitiés d’une activité immémoriale. »
(…)
» Que j’aimerais de nouveau être cet intact garçon qui, en toute candeur, commence à lire Les Deux Etendards, D’un château l’autre, Les Diaboliques, Impressions d’Afrique ou Le Voyage d’un condottiere ! »
Nabe – Au Régal des Vermines.
Lorsque la compagnie des hommes me fatigue, je trouve bien des joies à être dans ma bibliothèque avec Céline, Juvénal, Simenon, Aymé, Stevenson, London, Morand, etc.
juin 5, 2012 à 9:02
cesarlhermite
Bonjour,
Je parcours votre blog depuis un certain temps, et avec grand intérêt. J’aime particulièrement vos citations d’auteurs, et l’ambiance « vieille France » qui en ressort (ce qui est bien sûr un compliment).
Je viens vous signaler que j’ai créé hier un modeste blog qui vous plaira peut-être. En voici l’adresse : http://cesarlhermite.wordpress.com/
J’essaye de vous mettre dans mon blogroll, mais ce dernier refuse de s’afficher (cela dit, je ne demande pas du tout que vous fassiez la même chose pour moi).
Bien fraternellement.
juin 6, 2012 à 7:00
lecheminsouslesbuis
Merci pour votre intérêt… j’aime bien aussi ce que vous écrivez ! bon courage et longue vie à cesarlhermite !