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O Belaros, écoute nos paroles d’apaisement
Loué sois-tu Belaros Balcons-Beimenia, fils de Dot, petit-fils de Net
Toi qui as rang de dieu des Profondeurs
Chef de la race des Vouivres et des Anguipèdes.
Roi des démons et des ténèbreux,
Belaros du Mauvais Oeil, roi borgne,
Homme plus ancien que le monde,
qui peut, quand on soulève les sept paupières
qui protègent son oeil unique,
arrêter le coeur des hommes
et d’un seul regard réduire une armée en cendres.
Seigneur sorcier des Uomorioï dont les ténèbres funestes
mettent en fuite tous les animaux et glacent l’âme des hommes,
écoute le chant que nous disons pour toi, Belaros le Fort !
En ces jours sombres, toi qui triomphes en ce début d’année
et qui connaîtras ton apothéose au solstice d’hiver,
tu vas régner en maître incontesté sur nos terres.
Mais épargne nous, ne nous assaille point
Le javelot levé, ne le lance point !
Jusqu’au retour de nos dieux de lumière qui se retirent dans leur demeure,
regarde avec bienveillance
le savant et ses livres, l’artisan et ses outils,
l’artiste et ses oeuvres, l’agriculteur et sa charrue,
le guerrier et ses armes, nos foyers et nos familles,
nos tribus et nos clans, nos maisons et nos champs,
nos animaux et nos récoltes, la graine dans la terre et le fruit dans la fleur.
Mais exerce si tu le veux,
ta Puissance et tes pouvoirs de destruction sur nos ennemis.
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Brigantia, mère des Gaules, toi qui veilles sur notre pays,
protège nos terres et nos récoltes, nos pâturages et nos troupeaux,
nos champs et le blé qui les couvre.
Bénis la vache et son veau,
la jument et son poulain, la brebis et son agneau,
la graine dans la terre et le fruit dans la fleur.
Que nos champs puissent nourrir nos familles,
afin de pouvoir, toujours plus nombreux,
célébrer tes bienfaits et ton amour.
(illustration : Giacinto Gaudenzi)
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Contrairement aux fêtes pré-celtiques à détermination solaire et qui reviennent à dates fixes (solstices et équinoxes) les autres fêtes, celto-druidiques, qui marquent le début des saisons sont à détermination lunaire, c’est à dire que la date de leur célébration est choisie en fonction des cycles de la lune.
En ce qui concerne Lugnasad, qui débute l’Automne, la fête devrait être célébrée à la Pleine Lune se rapprochant le plus du 1er aout (« lune noisette »), date en fait souvent matériellement retenue pour plus de commodité.
Selon des sources essentiellement irlandaises, chez les Celtes anciens, Lugnasad semble être un divertissement collectif de plein air où toutes les classes sociales sont tenues de participer, et constitue aussi une trêve militaire puisque les guerriers y viennent sans armes.
On s’y livre à des courses de chevaux, d’hommes et de femmes. C’est d’ ailleurs lors d’une telle occasion que la déesse Macha, qui était alors enceinte et que l’on contraignit d’affronter les chevaux du roi à la course, donna naissance à deux jumeaux, après sa victoire, et lança sa fameuse malédiction contre les Ulates qui, excepté Cuchulainn, allaient alors souffrir périodiquement les souffrances de l’enfantement durant 5 nuits et 4 jours.
La foule s’y presse compacte, pour assister à des luttes et à des régates, à des expositions de chefs d’œuvre et à des tournois d’échec (on se souviendra au passage qu’après son admission au festin, Lug bat le roi Nuada aux échecs…), ainsi qu’a des concours d’éloquence et de musique.(symboliquement, par sa victoire, Lug l’artisan s’approprie la marche complète du monde et le vieux roi, Nuada, l’accueille alors à la place d’honneur et lui transmet son pouvoir).
La fête est prétexte à une grande foire qui perdura longtemps et dont on trouve encore quelques exemples aujourd’hui, où se vendent et s’achètent toutes sortes de biens et produits, y compris des concubines comme le rapporte Henri Hubert.
On y célèbre aussi des mariages et l’on y conclue des alliances. Mais surtout on y réparti tous les biens de consommation et de production issus de ce qui appartient à la collectivité, et non au seul individu, en fait toutes les richesses du royaume : terres, produits de le terre, bétail, etc.
C’est le roi qui se chargeait de cette redistribution et de cette répartition en sa qualité de Distributeur. L’enrichissement personnel en général était considéré comme une tare par nos ancêtres, mais c’était encore beaucoup plus grave en ce qui concernait le Roi Distributeur des biens, et le fait de garder pour lui ces richesses était considéré comme un crime et puni de la peine de mort.
De la même manière et par extension, le roi était le garant de la richesse et de la productivité du territoire dont il avait la charge, une série de mauvaises récoltes entrainait sa responsabilité, sa destitution et son exécution si sa responsabilité volontaire (circonstance aggravante) était reconnue.
Lugnasad est placé sous le signe zodiacal du Lion qui représente la culmination végétale, la plénitude du fruit, toute magnificence ou maturité sous le plus éclatant soleil de l’année. Psychologiquement il est le signe de la pleine affirmation de l’individualité, de la volonté et de la conscience du « je ». Le feu fixe du Lion est l’expression d’une force maitrisée, d’une énergie lumière disciplinée, d’un feu individualisé, consacré aux puissances du Moi, de la volonté dirigée, force centrale régulatrice et irradiante de vie, de chaleur, de lumière et d’éclat. C’est un signe solaire.
Cette fête correspond à la maturité de tous les fruits et c’est à ce moment là que la terre et la végétation sont à leur maximum de fructification. C’est la dernière fête de l’abondance, les dernières récoltes, la Fête des Moissons et sa plante symbolique est le blé qu’on consomme pour la circonstance sous diverses formes : bouillies, pains, gâteaux,etc.
Le grain de blé enfoui dans la terre meurt en hiver pour renaitre au printemps et porter les épis de l’été, et symbolise le cycle éternel de la vie et de la mort, ainsi que celui des transformations.
Lugnasad signifie l’Assemblée de Lug et ce dernier apparait sous trois aspects : Il est d’abord le dieu solaire qui féconde la nature. A ce niveau il est source de vie que ce soit au plan matériel, psychologique ou spirituel et à ce titre il occupe une place importante dans le monde des dieux et des humains.
Mais à côté de cette apparence lumineuse, il présente aussi un aspect obscur quasi lunaire et parfois redoutable. Il est un dieu chthonien, dieu de la terre et du monde souterrain (son oiseau est le corbeau)
Enfin il est le dieu des arts et techniques, dans lesquels il excelle tous à la fois.
Certains considèrent donc Lug comme le Dieu des Dieux mais Pierre Lance (« Alésia, un choc de civilisations »), même s’ il voit bien dans Lug un dieu prestigieux, estime que les celtes étaient trop passionnés d’indépendance pour accepter de donner à certaines de leurs divinités des fonctions de « chef des dieux ». Il est donc « inutile de chercher dans ce panthéon l’équivalent d’un Zeus potentat. Et s’il faut traduire en termes socio politiques cette attitude spirituelle, je dirais qu’elle implique le respect de la hiérarchie des valeurs en même temps que le refus de la hiérarchie des autorités ». Lug symbole même de la civilisation, « artisan, poète et chercheur, créateur amoureux de la chose bien pensée, bien dite et bien faite » illustrerait donc les valeurs que les celtes mettaient au dessus des autres, c’est à dire l’intelligence, la raison, la réflexion, la création et l’expression.
Le fait que ce soit un dieu tri fonctionnel peut indiquer qu’en temps normal, la primauté de ces valeurs était respectée par tous les membres de la société. Mais en période plus chaotique, il semble dans cette optique bien évident qu’il était toujours possible d’appeler à la rescousse une divinité plus exclusivement spécialisée, par exemple Teutates en temps de guerre.
Quand il voulut participer à un grand festin donné par Nuada le roi des Tuatha, le portier pour le laisser entrer lui demanda ce qu’il savait faire « car personne ne vient sans art à Tara ». Il se présente successivement comme charpentier, forgeron, champion de lutte, harpiste, héros, poète et historien, sorcier/magicien, médecin, échanson et fondeur de bronze. Tous ces arts étaient déjà représentés par les différentes divinités convives du festin mais c’est parce que Lug, prototype de l’Homme Parfait, les possédait tous à lui seul, « Homme des Sciences et de tous les Arts », qu’il fut accepté.
Le fait que Dagda soit le « dieu bon » (c.a.d. bon dans tous les domaines) pourrait montrer que ce « vieux » dieu même s’il survécut (en Gaule sous les traits de Sukellos) a peut être été remplacé par Lug plus jeune et correspondant mieux à l’évolution de la société celtique.
Lugnasad fête son Roi qui fête sa Mère. Tailtiu, étymologiquement, est le nom de la Terre et si c’est avant tout le nom d’un site bien localisé dont la légende a fait une Déesse éponyme, Teltown où se déroulent les fêtes de Lugnasad, Tailtiu est en fait une des personnifications de l’Irlande, c’est à dire par extension, de l’Univers.
Elle nous est présentée comme la fille de Magmor, roi d’Espagne, femme d’Eochaid, fils d’Erc, dernier roi des Fir Bolg. A la mort de son mari, elle épouse Eochaid Garb, fils de Duach Dall qui commandait dans les Tuatha. Elle était la nourrice de Lug jusqu’à ce qu’il fut capable de porter les armes, et si tout la rattache à l’Autre Monde, on est tenté de voir en elle une déesse de la Terre à laquelle, d’une manière ou d’une autre, s’est uni le dieu Lug (illustration de l’union des deux grands principes originels).
En mourant d’épuisement d’avoir transformé les forêts d’Irlande en verts pâturages et riches plaines fleuries de trèfles (emblème de l’Irlande et plante souvent associée à l’équinoxe de printemps), « Tailtiu meurt en divinité » (Le Roux Guyonvarc’h) et elle assure par son sacrifice la pérennité et le bien être matériel de son peuple (« blé et lait dans chaque maison, paix et temps agréable »).
Tailtiu annonce la venue de la fin du cycle de descente du soleil qui se situera à Samonios mais la prospérité devra se renouveler et la célébration de la fête apparaît comme la contrepartie de ce bien être.
Enfin, la fête de Lugnasad représente un point culminant dans les rapports entre le Roi et la déesse de la Terre (confirmation de souveraineté). On se rappelle aussi au passage que s’il en faut en croire l’interprétation de J.J.Hatt du chaudron de Gundestrup, c’est à ce moment là que la Grande Déesse (de la Terre) abandonne son époux terrestre pour rejoindre Taranis le dieu céleste (roi du Ciel) (un lien avec l’Assomption chrétienne, fêtée le 15 aout ?)
(déja paru dans « La Main Rouge »)
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A proprement parler, il semble que les Celtes n’ « adoraient » pas le Soleil comme certaines autres cultures ont pu le faire, en revanche, il est incontestable que l’élément solaire jouait un rôle très important dans leurs croyances. Pour eux, le soleil était avant tout source de lumière, de chaleur et de vie ce qui justifiait qu’il ait été représenté par un grand nombre de divinités qui en illustraient chacune une ou plusieurs facettes.
Au solstice d’été, le 21 juin, le soleil atteint le point le plus septentrional le long de l’horizon et est sur le point de faire un long voyage vers le sud jusqu’au solstice d’hiver à la mi-décembre. C’est le jour le plus long de l’année et l’événement est fêté comme une extension de Beltaine dans les mois d’été, en en reprenant certains éléments et notamment le feu. Rappelons que Beltaine est la grande fête sacerdotale annuelle honorant le dieu Bel, débutant la seconde saison celte, l’été, le jour du 1er mai.
Le feu est à la fois un purificateur (en sanskrit, pur et feu se disent par le même mot) et un régénérateur (c.f. le chaudron de la résurrection sous lequel était allumé un grand feu pour que les morts renaissent), ainsi que le prolongement igné de la Lumière.
Il revêt 3 formes générales :
– le Feu de la terre qui est le nôtre
– le Feu de l’atmosphère qui est la foudre
– le Feu du Ciel qui est le soleil
A ce moment là de l’année une importance primordiale est donc accordée au pouvoir magique du Feu. On allumait des feux de joie pour célébrer le soleil au sommet de sa puissance et l’implorer de ne pas se retirer dans l’obscurité hivernale car les feux d’été, feux de jubilation et de purification sont également feux propitiatoires destinés à apaiser l’angoisse humaine devant le déclin solaire. Les feux donnaient aussi rituellement de la force au soleil pour faire mûrir les fruits et les grains, et protégeaient les hommes et le bétail des maladies . De nos jours, en cette ère vulgaire, la fête a lieu le 24 juin pour le St Jean Baptiste, fameux prêcheur du désert et grand mangeur de sauterelles et de miel sauvage., sous le nom des « feux de la St Jean ». Avec Jean l’évangéliste, fêté le 27 décembre, ils contrôlent tous les deux les « portes » solsticiales, notion construite sur l’alternance des saisons et des cycles végétaux. Ne parvenant pas à abolir des rites coriaces, l’église a donc du les christianiser mais certaines traditions qui y sont attachées ont pu se perpétuer dans le temps. Les cérémonies druidiques du solstice , quant à elles, interviennent au lever du jour et à midi. Le rite de l’aube célèbre l’arrivée du jour le plus long (l’observance de ce rite à Stonehenge est connues de tous).Très schématiquement, on y souhaite la bienvenue au soleil en tant que symbole du bannissement des ténèbres.
En premier lieu, les feux qu’on dresse ne sont pas un simple amas de branchages, de fagots et de bottes de paille mais une œuvre d’architecture en forme de meule autour d’un mât avec des cheminées d’allumage et les guirlandes de feuillage qui le parent le relient au « Mai ». A Beltaine : l’arbre de mai, détenteur de l’énergie vitale, symbole de la fécondité nouvelle, était le centre de la fête autour duquel on organisait des danses. Tout à fait à la cime du feu, la jeunesse plaçait aussi souvent une couronne de roses mais on y ficelait aussi parfois un chat vivant ( !)
Dans les régions vallonnées, on fait rouler du haut en bas d’une colline une roue garnie de paille enflammée pour favoriser le voyage du soleil et l’ inciter à développer sa course. La roue est un signe de perpétuel renouveau et la paille est le symbole du dessèchement et de la mort.
C’est aussi le temps du ramassage des herbes médicinales qui sont au mieux de leur pouvoir à ce moment de l’année. Parmi les plantes de la St Jean (rite de cueillette : en marchant à reculons avant que le soleil se lève, et de la main gauche) : achillée, angélique, armoise, hysope, lierre terrestre, millepertuis, héliotrope, origan, camomille, sauge, fougère mâle, verveine, gentiane jaune, fleur de sureau, menthe poivrée, bouillon blanc, églantier, chèvrefeuille, scrofulaire, coudrier commun, arnica, grande marguerite, etc.
Et c’est en souvenir des rites de fertilité que les couples sautent au dessus des flammes quand il s’agissait de deviner la hauteur des récoltes à venir et d’assurer la fertilité des jeunes et nouveaux couples.
Dans plusieurs régions de France, on pratique le veille ou le matin de la St Jean, la St Jean des bêtes, destinée à la protection du bétail et des animaux qui doivent être exposés à la fumée des feux (« enfumer » les animaux) comme pour la fête de Beltaine.
La célébration des 4 fêtes solaires existait de toute antiquité parmi les peuples autochtones de l’Europe préhistorique et il est tout à fait vraisemblable qu’elles ont été assimilées par les conquérants celtes qui assirent une société dont les fondements économiques étaient d’essence agraire et pastorale.
Nos ancêtres divisaient l’année calendaire de 2 façons : les 4 saisons, reflets d’une civilisation agraire (aux origines néolithiques) débutées par un équinoxe ou un solstice. Et les 2 moitiés : la saison sombre et la saison claire qui commence à Beltaine pour culminer au solstice d’été (alban heruin : « sommet agraire ») . La saison sombre, quant à elle débute à Samain, la Toussaint chrétienne.
Lug est un dieu auquel on peut penser pour le solstice, même si la fête qui lui est consacrée est Lugnasad , le 1er août. C’est un dieu de lumière, de la lumière spirituelle, qui, comme beaucoup de héros solaire a dû tué le vieux roi, en l’occurrence, son grand père Balog, dont le règne était devenu stérile. Et comme c’est un polytechnicien, il détient aussi le pouvoir de soigner, ce qui le rattache aux herbes médicinales.
Bélénos est un autre dieu solaire qui incarne l’éclat du soleil, sa force vitale et créatrice : il fait donc partie des grandes divinités de la végétation et gère la croissance des végétaux, notamment des plantes médicinales. C’est lui qu’on fête le 1er mai, pour Beltaine. Est-ce donc étonnant de trouver ces deux fêtes dédiées à des aspects différents du soleil encadrer le solstice, point culminant de l’été, dédié, lui, à Taranis, le dieu de cette foudre qui est le feu de l’atmosphère ?
D’un autre côté, on sait que la souveraineté, pilier de la civilisation celtique, doit se conquérir. Et elle obéit aux lois, notamment cycliques où s’expriment les symboles de vie, de mort, de germination, de fécondité, de venue au monde. qui régissent le Cosmos
Le Chêne, qui symbolise la force et la longévité, l’éternité des cycles de vie est associé à Taranis car il attire la foudre. Le mois de chêne s’étend du 10 juin au 7 juillet, autour du solstice, et c’est avec ses branches qu’on allume les feux de la St Jean. Dans l’alphabet druidique, le chêne correspondait à la lettre « Duir » signifiant aussi « porte », ce qui nous ramène à la notion de « portes solsticiales ». Deux chevaliers, celui du Chêne et celui du Houx combattaient chaque 1er mai. Vainqueur, le chevalier du Houx (dont le mois suit celui du chêne) laissait la vie au chevalier du Chêne, c’était le passage où les jours de grande lumière laissaient peu à peu la place aux nuits les plus longues. Et chaque année, à Samonios (ou au solstice d’hiver ?), le chevalier du chêne avait la suprématie sur le chevalier du houx qu’il laissait en vie après un difficile combat.
Le chevalier solaire qui devient le chevalier noir au service de la dame de la Fontaine est un passage solsticial de même nature. La dame de la fontaine garde une source qui est la manifestation permanente de la vie ; elle est dépositaire de la Connaissance sur tous les plans et elle transforme des jeunes gens en Chevalier Noir au service de la Grande Déesse selon un rituel qui s’apparente à celui de la mort du roi de l’ancienne année et de l’avènement de celui de la nouvelle (on se souvient de Lug tuant Balor). On peut noter que cette passation de pouvoir correspond symboliquement à la transformation d’un chevalier solaire (héros) en chevalier lunaire (noir) qui, pour obtenir la régénération et la purification, tant physique que spirituelle, doit tuer le chevalier (noir), gardien de la fontaine sacrée dont émane symboliquement l’énergie céleste venant s’unir à celle de la terre (cette alliance en fait la source d’Eau Vive, symbole de vie et de Connaissance, manifestation de la Grande Déesse) pour devenir à son tour chevalier noir, gardien de la Fontaine, et débuter un nouveau cycle d’apprentissage : car rien ne peut se transformer dans la vie du héros sans que les dualités de chacun des éléments composant sa psyché soient harmonisées et fondues dans une unité parfaite. Ce qui est aussi valable pour chacun d’entre nous.
Une autre piste de réflexion peut être trouvée dans le fait que les Solstice d’été et d’hiver marquent l’axe vertical du monde, les deux extrêmes de la course du soleil. Par analogie, l’axe vertical devient alors « l’arbre du monde » reliant le haut et le bas, porteur de vie, de durée et de sagesse. Et l’on sait aussi que symétriquement, les racines de l’arbre imagent les origines de l’homme, son passé et son devenir. Il suffit alors d’associer ces symbolismes à la « roue du temps » pour relier l’homme au Cosmos.
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(déjà paru dans « la Main Rouge »)
Beltaine
Beltaine ou Belotenedos (en celtique ancien). Les avis sont partagés sur l’étymologie des mots. Si l’on peut voir « Belo » comme « celui qui tue », et « tenedos » comme « feu et ténèbres », selon Xavier Delamarre, dans son « dictionnaire de la langue gauloise », Belenos comme Belisama seraient à rapprocher effectivement de la racine « belo » qui, là, correspondrait à « force, fort » et l’appellatif Belisama serait donc à comprendre comme « la très puissante » et Belenos comme « le Maître de Puissance ». jan de Vries, lui, rapproche l’élément « bel » de la racine indo-européenne « Guel », « briller », tandis que pour Le Roux et Guyonvarc’h, « Bel » est « la lumière » et « teine », « le feu ». Belisama serait donc « la très brillante ». Selon eux, la racine indo-européenne “bhel » insiste, en celtique, sur la notion religieuse de “lumière vive, éclat lumineux » alors que les autres branches i.e. se contentent de la simple notion de « pâleur, blancheur » (ce qui curieusement, pourrait nous rapprocher de la lune). Beletonedos, ou Beltaine serait donc littéralement « le feu de Bel », de Belenos qu’on peut prendre comme un visage de Lug (certains auteurs comme Raimonde Reznikov nous signalent qu’ils sont parfois interchangeables) sous son aspect de lumière sans être pour autant le soleil lui même mais l’Esprit Solaire dont le soleil est l’organisme visible.
Belotenedos nous apparaît donc comme une fête du Feu et des Druides, maîtres du Feu et des éléments atmosphériques, et les différents sens donnés au nom de la fête semblent aisément superposables et se renforcer les uns les autres.
Protection et fécondité
Le Feu abolit la nuit et donc la période sombre de l’année ce qui fait de beltaine une fête à caractère solaire. Du feu et par extension du soleil, on attend la chaleur et la luminescence nécessaires pour faire lever les grains ensevelis et assurer, par leur floraison, une vie nouvelle.
Le rayonnement solaire et l’énergie du Feu (qui est, bien entendu, le symbole terrestre de l’Energie) font naître la vigueur dans les reins des bêtes comme dans ceux des hommes. Car le feu présente aussi un aspect nettement sexuel, « par le caractère fécond propre à la régénération, par la chaleur qu’il dégage et que l’on associe à la passion et à la sensualité ou, encore, par le frottement de deux corps nécessaire à l’obtention de la première flamme » (Marion Dufour : « la magie de la femme celte »).
Par ailleurs on demandait à l’esprit du feu de protéger les cultures et les animaux, d’apporter la victoire aux guerriers, et de donner l’inspiration aux Druides.
Sans oublier que c’est aussi par un grand feu les empêchant de revenir en arrière que les Tuatha détruisirent leurs bateaux après avoir débarqué en Irlande un jour de Beltaine (ce qui souligne encore l’aspect « commencement » de la fête).
Etant la richesse principale des Celtes, l’usage était de faire passer le bétail entre deux grands feux purificateurs afin de préserver les animaux durant l’année avant, dès le lendemain, de les conduire dans les pâturages d’été. Sur la nature des deux feux , les interprétations varient : il pouvait s’agir du Feu de Belenos et du Feu de Belisama, ou bien du Feu du Soleil et du Feu de la Lune, mais le caractère purificateur reste indiscuté.
On recherchait aussi en général les bénédictions protégeant les maisons, les cultures et le bétail. Et c’était aussi un temps privilégié pour la cueillette de certaines plantes médicinales ou protectrices comme l’ortie.
L’opposé de Samonios
Pour satisfaire au principe selon lequel chacune des fêtes celtiques a son pendant symétrique, son opposé polaire, son vis à vis qui vient l’équilibrer six mois plus tard, Beltaine est le pendant lumineux de Samonios, le début de la saison claire et de l’été, alors que le second débutait la saison sombre et l’hiver. Le Roux et Guyonvarc’h, là encore, verraient « volontiers dans Bel(enos) un surnom de Lug vu dans son aspect de lumière, opposé symétriquement au Lug de Samain préparant, dans la chaleur et la lumière des festins, à l’hiver et à l’obscurité ».
Au niveau rituel, correspondant à la dichotomie de l’année partie claire/partie sombre, nos ancêtres précipitaient un arbre tête en bas dans un puits (avec feuilles et racines) avec des armes sacrifiées et des offrandes, avant de le combler, qui était probablement le reflet de l’Arbre de Mai planté (tête en bas) pour relier la Terre au Ciel (Axe du Monde).
Beltaine débute aussi la saison guerrière (chasse, guerre, conquête) comme Samonios correspondait à la fin de cette saison. Ces deux fêtes correspondent aux principaux faits de la mythologie irlandaise : la seconde bataille de Mag Tured, l’accouplement du Dagda et de la Morrigane, la mort de Cuchulainn pour Samonios, et pour Beltaine, l’arrivée de tous les habitants de l’Irlande et notamment des Tuatha De Danann.
Au niveau du calendrier agraire, Samonios est le temps où l’on rentre les troupeaux pour l’hiver, Beltaine où on les sort pour les mener aux pâturages. Le premier correspond au début du temps des veillées, le second au temps des corvées champêtres.
Il est donc évident que Beltaine est donc une fête du commencement et de changement du rythme de vie, elle marque aussi le début de l’été : « du rythme hivernal, on passe au rythme estival et l’on pare au mieux aux risques multiples du passage » (Le Roux- Guyonvarc’h).
Beltaine et le Taureau
Le signe astrologique du Taureau (l’Auroch des traditions protoceltiques ?) règne sur Beltaine. Outre qu’il représente la puissance des forces naturelles, le sensualisme, la volonté, le sens de la beauté et l’amour, épanouit et concrétise les promesses du signe précédent. C’est à dire qu’il correspond dans la nature, à la condensation de l’élan du Bélier, la matérialisation des forces créatrices qui se concrétisent dans l’abondance des formes. C’est la seconde tranche du printemps, de la végétation massive et de l’apparition des premiers fruits. En analogie avec le bovin, c’est un rythme qui est à la lenteur et à la stabilité par la lourdeur, l’épaisseur et la densité de la matière. Mais cette incarnation est particulièrement riche et s’assimile à la Terre nourricière, à la Mère Nature, féconde par excellence. C’est aussi la paix, la joie de vivre dans l’épanouissement des sens et l’on sait que le signe est gouverné par Vénus : sous son aspect « fertilité virile », on peut aussi honorer Kernunnos lors de Beltaine.
Car le Taureau est un symbole de fécondité et Beltaine est une fête de la Fertilité, ce que démontrent les traditions de l’Arbre de Mai, Axe du Monde, mais aussi symbole phallique, et de la Reine de Mai. En Grèce, le taureau était consacré à Dionysos, dieu de la virilité féconde. Le dieu Védique Indra est aussi assimilé à un taureau : c’est lui que les hommes de guerre invoquaient avant le combat (cf. Beltaine, début de la saison guerrière) et le sens originel de son nom semble être celui de « puissance, force » (cf. étymologie de Belotenedos).
Le taureau Indra est aussi rattaché au symbolisme de la fécondité mais il est aussi l’emblème de Shiva et à ce titre il symbolise par ailleurs le Dharma (appelé Dedma par les Celtes), ou loi du bon ordre de l’univers. S’arrêter là serait faire peu de cas de l’extrême richesse symbolique du taureau : on pense aussi au taureau de Mithra, aux taureaux brun et blanc, de l’Ulster et du Connaught, au taureau aux trois cornes et au taureau aux trois grues dont le sacrifice, s’il faut en croire l’interprétation de J.J.Hatt, permettra le retour de la déesse Rigantona à laquelle s’unira Esus au moment de Beltaine, etc.
Le « dictionnaire des symboles » précise : « toutes les ambivalences, toutes les ambiguités existent dans le taureau. Eau et Feu : il est lunaire (Sirona) en tant qu’il s’associe aux rites de la fécondité ; solaire par le Feu de son sang (Belenos-Belisama) et le rayonnement de sa semence ».
Sur Belenos
Si Belenos est une divinité solaire, il est avant tout l’esprit solaire et non le soleil physique qui est plutôt considéré comme son corps ou comme son véhicule.
Belenos représente le principe de la Lumière (« jeune dieu aux boucles d’or »). Il représente aussi la force de l’homme jeune (« fils chéri de la Grande Déesse » -déesse dont Belisama est l’une des personnifications) mais il est avant tout, à mon sens, l’Harmonie et la Beauté sous toutes ses formes. Il a intégré tous les contraires, le conscient et l’inconscient, le masculin et le féminin (Belenos/Belisama), le soleil et la lune, le feu et l’eau (Sirona). Hécatée d’ Abdère (300 av. JC) rapportait : « Apollon se rend dans l’île (où se trouve un curieux temple de forme circulaire consacré au dieu solaire) tous les 19 ans lorsque le soleil et la lune sont alignés l’un sur l’autre ».
Analogiquement à ce qui se réalise alors dans la nature, à savoir la fusion de toutes les polarités, Belenos symbolise le processus alchimique d’union et de combinaison des différents éléments du moi pour parvenir à la totalité (et il peut nous aider dans notre quête de cette union : pour trouver la Lumière il importe au préalable de l’allumer en soi. Qui mieux que lui pourrait nous y aider ?)
Imbolc correspondait symboliquement à l’éveil initiatique et à la préparation qui aboutissent, lors de Beltaine, à la Renaissance dont le dieu Belenos est le maître.
Par ailleurs, si l’on considère le soleil comme l’image emblématique de la loi, de l’ordre, de la régularité et de la stabilité , de la force et de l’énergie, Belenos serait donc l’un des principaux garants de la Dedma (mais il est vrai que toutes les divinités sont garantes de la loi du bon ordre de l’Univers…)
Feu et Eau
Belenos peut être associé à Belisama, la Très Rayonnante ou la Très Puissante, qui est, entre autres, une déesse guerrière et guérisseuse, patronne des forgerons et maîtresse du Feu, et qui peut être son épouse, sa sœur ou sa mère… Quoi que principe solaire au féminin, elle correspond aussi à la Pleine Lune et symbolise la maturité et l’épanouissement (et par extension, à la période de développement « extérieur » de la personnalité et de l’individualité).
On peut aussi lui associer Sirona, représentant l’astre lunaire, pour former une « dualité lumineuse à la manière d’Artémis et Apollon » (RJ Thibaud : dictionnaire mytho symbolique celte). Cette association peut encore être renforcée par le fait que si Belenos, le guérisseur, est à l’origine du jaillissement des sources bienfaisantes, Sirona est celle qui protège les fontaines…
Car on sait que l’Eau et le Feu, bien qu’antagonistes, sont aussi complémentaires : l’eau principe passif et humide, opposé au principe actif et sec du feu, est associée à la lune, à l’inconscient et au rêve, tandis que le feu évoque le soleil, le conscient et l’activité, ce qui renvoie au couple ciel et terre et à la fécondité. On se rappelle aussi que ces deux éléments sont symboles de purification et qu’ils jouent tous les deux un rôle fondamental dans les rites d’initiation.
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(déjà paru dans La Main Rouge)
Imbolc, ( environ le 1er février, soit le mois d’anagantios selon le calendrier de Coligny), qu’on appelle aussi Ambivolcios ( celtique ancien), est présidé par Brigantia, qui correspond à l’irlandaise Brigit, fille et mère du Dagda. Par ses attributions (patronne des poètes, des médecins et des forgerons avec un aspect guerrier) elle participe des trois fonctions celtiques. Elle correspond à la nouvelle lune, ascendante. Elle est une déesse vierge mais cela n’a rien à voir avec la conception chrétienne, triste et réductrice de la virginité, car elle ne refuse pas pour autant « les devoirs liés à la féminité ».
La fête est le pendant, symétrique, de Lughnasad (car c’est une constante des fêtes d’avoir chacune leur opposé symétrique, leur vis à vis qui vient l’équilibrer six mois plus tard), quand la Terre, fatiguée par les moissons, était redevenue vierge . Pour Imbolc, la Déesse, tout comme la Terre, sont toujours vierges mais l’une comme l’autre sont redevenues fécondables: la Déesse vierge est alors la préfiguration de la Déesse Mère. A ce titre elle est aussi la Déesse de fécondité, et donc associée à la Nature, au moment de sa correspondance avec le cycle saisonnier et agraire. C’est le début du Printemps.
Pourtant, Imbolc semble être un peu la fête mal aimée du festiaire celto druidique, celle sur laquelle on trouve le moins de témoignages, de survivances ou de pages d’étude consacrées (15 seulement dans « les Fêtes Celtiques » de Guyonvarc’h). On la sous estime un peu dans la mesure où l’on ne retrouve pas beaucoup de traces et que l’on ne sait pas grand chose à son sujet si ce n’est que les chrétiens l’ont récupérée, selon leur habitude, et consacrée à Ste Brigitte (avec quelques survivances folkloriques). On estime alors qu’elle n’était peut être pas très importante ou/et qu’elle n’était destinée qu’à la 3ème fonction. Raimonde Reznikov et d’autres auteurs avancent pourtant une théorie séduisante: les autres fêtes celto druidiques sont essentiellement connues grâce aux copistes chrétiens qui n’en ont pourtant laissé transparaitre que ce qu’ils voulaient bien. Si l’on ne sait presque rien sur Imbolc, ne serait-ce pas parce que c’était une fête ésotérique si importante (le 4ème pilier du monde, selon la Tradition) que les chrétiens se seraient efforcés d’en supprimer tout souvenir ?…
Comme symboles de la fête nous avons le Houx (Colenos) et le Bouleau (Betua), le signe astrologique du Verseau et la sève des arbres. C’est aussi une fête de Feu, la « fête des chandelles » où l’on fête le retour de la lumière.
Le Bouleau, étroitement associé à la jeune Déesse est l’arbre du commencement, un arbre de sagesse, d’illumination, de protection, de purification au sortir d’une épreuve, et de renaissance. En ce qui concerne la purification, il faut souligner le fait que la sève de bouleau est un diurétique, dépuratif, sudorifique, entrant dans les cures de printemps: que rêver de mieux comme produit de purification ?…
Comme Uranus (qui gouverne le signe du verseau), le bouleau (divination par les oghams) nous incite à remplacer ce qui est vieux et mauvais par ce qui est nouveau et bon, ce qui est la traduction même d’un nouveau départ et ce qui correspond tout à fait à ce moment de l’année.
Le Houx, lui, est symbole de protection et d’équilibre, qui sont deux notions complètement nécesaires à tout nouveau départ.
Avec la sève, on pense à la Vie, au Sang qui recommence à monter dans les veines d’une Nature qui s’éveille peu à peu. Mais on pense aussi au Soma des Hindous, symbole d’un breuvage d’immortalité (immortalité que symbolise aussi le Houx, toujours vert) qui ne s’obtient que par une « véritable transsubstantiation des sucs végétaux, laquelle ne s’achève que dans le monde des Dieux » (dictionnaire des Symboles).
Le rite le plus représentatif de la fête est la purification: « se laver les pieds, les mains, la tête ».
On admet généralement qu’Imbolc est une fête lustrale destinée à la purification après les rigueurs et les souillures de l’hiver. Mais la fête correspond aussi symboliquement à l’éveil initiatique et à la préparation qui aboutiront à la Renaissance de Beltaine. C’est une fête initiatique d’un passage primordial.
On sait que la tenue de chaque rituel nécessite une purification préalable. On comprend donc que cette purification est d’autant plus nécessaire quand il s’agit d’un véritable rituel initiatique. Et à cette occasion précise, la purification devient le rite lui même.
La purification se fait de deux manières:
1) par l’Eau (et l’on précise bien ici, « se laver les pieds, les mains, la tête »),
et 2) par le Feu: Imbolc est une fête ou le feu joue un rôle primordial puisqu’il symbolise le Soleil, source de chaleur et de lumière. Outre son rôle purificateur il est aussi le protecteur des hommes et des animaux (la fête est d’ailleurs aussi connue sous le nom de « fête des chandelles » et ces chandelles, parfois des flambeaux, sont restés dans certaines coutumes: processions,etc…)
Les aliments rituels d’Imbolc sont les crèpes, le miel et le cidre.
La crèpe est l’image du jeune Soleil, apparu au solstice d’Hiver, et qui commence à prendre des forces (les jours ont commencé à rallonger et la lumière à regagner un peu sur les ténèbres) mais elle peut aussi être l’image de la Lune dont la plénitude (attendue pour Beltaine) est annoncée par son premier quartier, image de la jeune déesse vierge qu’on honore lors de cette fête.
Je signalerai au passage qu’on peut faire un cidre de la sève de Bouleau. Quant au miel, on sait qu’il est à la base de l’hydromel, boisson d’immortalité, comme la Soma (et dans la préparation de laquelle il peut d’ailleurs être associé au cidre).
Les qualités propres du signe du Verseau qui gouverne Imbolc sont l’éveil de l’intellect et des facultés mentales, et l’ouverture de l’esprit aux idées nouvelles et à la spiritualité.
Dans la nature, le signe du Verseau correspond à la première assimilation de la graine semée (le stade de la graine enfouie correspondait au Capricorne) qui s’intègre au sol. Le germe de blé est donc la promesse du champ qui s’épanouira sous le soleil du Lion.
Le dictionnaire des Symboles précise: « le signe a été mis en rapport avec Saturne dans la mesure où l’astre libère l’être de ses chaînes instinctives et dégage ses forces spirituelles sur une voie de dépossession. On lui donne aussi Uranus pour maître qui remobilise l’être libéré dans le feu de la puissance prométhéenne en vue de se dépasser ». Et si « l’étoffe de ce type zodiacal est pour ainsi dire angélique, il existe aussi un Verseau uranien, prométhéen qui est l’être de l’avant garde, du progrès , de l’émancipation, de l’aventure ».
Cette image prométhéenne me parait personnellement plus en accord avec le sens de la fête en tant que « fête initiatique d’un passage primordial » et en tant qu’étape du Chemin entre le solstice d’hiver et le solstice d’été: Cernunnos pouvant être honoré à ces deux dates, à la première en tant que « lumière nouvelle », à la seconde comme « lumière renouvelée » ce que symbolise l’image astrologique de la chèvre cornue escaladant une montagne ( le Capricorne), le cheminement de l’homme cherchant à s’élever à l’image du cycle du grain de blé: le grain enfoui dans la terre pour mourir en hiver pour renaitre au printemps et porter les épis de l’été.
Si les jours rallongent, on remarque pourtant que l’hiver exerce toujours son emprise sur la terre. Néanmoins les graines qui dormaient jusque là en son sein, commencent à s’éveiller à une vie nouvelle: c’est du plus profond des ténèbres que nait la lumière, comme c’est de la mort que nait la vie.
C’est donc une fête d’ouverture de la vie, déjà contenue dans le sein de la Terre et c’est le retour du soleil qui permettra à ces graines de donner en été les fruits et les récoltes espérés. D’ailleurs, c’est autour de ce thème que tournent toutes les coutumes relatives à la crèpe qu’on a pu conserver: lancer la 1ère crèpe avec une pièce d’argent dans l’autre main, lancer cette 1ère crèpe sur le haut de l’armoire et l’y garder toute l’année, etc…Il faut dire aussi que la crèpe avait un effet pour ainsi dire multiplicateur: confectionnée avec de la farine, des oeufs, du lait, c’était l’espérance d’avoir de ces produits en abondance toute l’année. Enfin, souvent, autrefois, les paysans invitaient leurs voisins à venir manger des crèpes pour avoir une belle moisson ou pour préserver les blés de la maladie.
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« Ce feu résume une vivante tradition. Non pas une image inconsistante, mais une réalité. Une réalité aussi tangible que la dureté de cette pierre ou ce souffle de vent. Le symbole du solstice est que la vie ne peut pas mourir. Nos ancêtres croyaient que le soleil n’abandonne pas les hommes et qu’il revient chaque année au rendez-vous du printemps.
Nous croyons avec eux, que la vie ne meurt pas et que par-delà la mort des individus, la vie collective continue.
Qu’importe ce que sera demain. C’est en nous dressant aujourd’hui, en affirmant que nous voulons rester ce que nous sommes, que demain pourra venir.
Nous portons en nous la flamme. La flamme pure de ce feu de foi. Non pas un feu de souvenir. Non pas un feu de piété filiale. Mais un feu de joie et de gravité qu’il convient d’allumer sur notre terre. Là nous voulons vivre et remplir notre devoir d’hommes sans renier aucune des particularités de notre sang, notre histoire, notre foi entremêlés dans nos souvenirs et dans nos veines…
Ce n’est pas la résurrection d’un rite aboli. C’est la continuation d’une grande tradition. D’une tradition qui plonge ses racines au plus profond des âges et ne veut pas disparaître. Une tradition dont chaque modification ne doit que renforcer le sens symbolique. Une tradition qui peu à peu revit. »
Jean Mabire
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Le solstice d’hiver “se situe au milieu de la saison morte. C’est dans la nature une période où rien de particulier ne se passe sinon qu’elle est généralement suivie des jours les plus froids. La détermination de sa date est donc exclusivement due à l’observation solaire et non à des phénomènes terrestres.
On sait que les Gaulois comptaient le temps en nuits ce qui est logique eu égard à leurs conceptions de l’existence, s’appuyant sur la notion de la renaissance de la vie au sein des ténèbres et de la mort apparente. Pour eux la cycle quotidien débutait dans le mystère de l’obscurité. Il n’est pas surprenant que la même conception se soit appliquée au cycle solaire. Le solstice, caractérisé par le maximum de durée nocturne, représentait pour l’année ce qu’était la nuit pour la journée.
Le milieu de la nuit la plus longue constituait le point central de l’année. La détermination de ce moment privilégié supposait une série d’observations difficiles puisque les jours commencent à croître le soir depuis le 21 décembre alotrs qu’il faut attendre le 3 janvier pour qu’ils grandissent le matin. C’est le 23 décembre que se produit le solstice. La fête de Noël qui a pris la place de la célébration solennelle du solstice a été finalement fixée au 24 décembre dans la nuit. Ce décalage d’un jour s’explique par les diverses réformes du calendrier.
Soulignons que la détermination de cette fête requérait des calculs abstraits à partir d’observations concrètes. D’autre part, on perçoit le sens mystique des croyances attachées à cette nuit unique. On pressent le caractère fidéiste d’une adhésion à des phénomènes invisibles.
La célébration se déroulait sur douze jours. Mais on ignore si ces derniers encadraient le solstice ou s’ils le suivaient. La première hypothèse se soutient parce qu’il parait logique qu’une fête soit l’objet d’une préparation et d’une suite. La seconde éventualité trouve se justification dans le fait que notre actuelle Epiphanie remplace la célébration de l’accroissement matinal des jours. Quoi qu’il en soit, cette fête comportait une “veille” nocturne et donnait lieu à des manifestations symboliques en rapport avec tous les éléments de la nature: feu, eau, roches, animaux, végétaux.
En tant que représentation du soleil, source de la vie, le feu était l’objet de rites particulièrement importants. Il était recouvert de cendres avec précautions de façon à “couver” plusieurs jours dans l’âtre.
Au cours de la nuit sainte, il était dégagé et réanimé. la première partie de cette nuit était réservée à la veillée plus solennelle et longue que les veillées quotidiennes. On prélevait des aliments en conserve pour en placer quelques échantillons près du foyer. Des gateaux étaient confectionnés et, dans les étables, on garnissait les mangeoires. Ces préparatifs s’effectuaient discrètement à l’intérieur des maisons. Au milieu de la nuit, le grand réveil se produisait. Chacun sortait de chez lui pour participer à l’explosion générale du renouveau invisible. On mangeait les gateaux de circonstance jusqu’à l’aube.
Puis, on allait répandre à travers les champs nus, la cendre qui avait protégé le feu afin qu’elle exerce son action bénéfique sur la terre endormie. Les charbons éteints étaient mis de côté pour protéger les maisons lors des orages d’été.
Les éléments : pierre, eau, air, étaient associés au renouveau général.
Les pierres étaient l’objet d’une vénération particulière. Réceptacles d’esprits, elles avaient la réputation de féconder les champs. Aussi allait-on visiter celles qui avaient servi à observer le soleil dans sa course : pierres verticales ou blocs surmontés d’un repère, appelées depuis “Pierres qui virent”. Des unions mystiques étaient censées se produire au cours de la nuit de Noël. Des pierres avaient la réputation de se déplacer pour aller se tremper dans une source ou une rivière voisine. D’autres se soulevaient pour libérer les richesses de l’An nouveau.
Les sources accueillaient les esprits bienfaisants qui venaient danser joyeusement alentour. Certaines d’entre elles voyaient leur eau devenir rouge comme le sang vivifiant ou le feu. Des serpents sortis des profondeurs de la terre ou de la roche, se rendaient aux fontaines pour y déposer les semences de vie.
Les airs frémissaient des poursuites d’animaux symboliques chassant devant eux les esprits de la mort afin d’assurer le triomphe de la vie nouvelle. Cette croyance est restée très vivace au cours des siècles. Elle prit le nom de Mesnie Hellequin au Moyen Age ou de Chasse Sauvage et représentait la lutte entre les puissances destructrices et celles du renouveau, lutte gigantesque qui assurait finalement la victoire des dernières.
Les animaux ne restaient pas étrangers à ce renouveau. Certains d’entre eux étaient plus représentatifs comme le cerf dont les bois tombent pour repousser plus grands chaque année. Ils étaient bien qualifiés pour anéantir les forces d’anéantissement. Le sanglier qui a des portées nombreuses, le cheval à la course rapide et d’autres étaient censés se livrer à la chasse des mauvais esprits. Les humbles habitants des étables participaient à l’oeuvre de renaissance. C’est pourquoi les hommes leur prodiguaient des soins vigilants en cette période cruciale. Durant cette dernière nos frères inférieurs participaient plus étroitement au monde de l’au-delà ce qui fit dire qu’ils étaient alors doués de la parole.
Les végétaux qui paraissent inanimés pendant l’hiver servaient aussi de symboles puisque au printemps ilsq vont de nouveau éclater d’activité. Les graines étaient associées aux rites du feu ou aux festivités alimentaires. Il est vraisemblable que ces graines, placées près du feu pendant les douze jours du cycle de renouveau, étaient mêlées le dernier jour à la provision destinée aux semis ou aux mets rituels de clôture, comme la fève enfermée dans le gateau du 6 janvier.
Le gui tenait une placé particulière. Cette petite plante parasite semble pleine de vigueur avec ses feuilles vertes et ses graines gorgées de liquide visqueux alors que l’arbre sur lequel elle se trouve est, lui, en complète léthargie. Bravant la chute des feuilles et le froid stérilisant, elle fait plus qu’annoncer la permanence de la vie qui va renaître, elle la contient déjà et le montre. De plus les oiseaux peuvent se nourrir de ses baies en ce temps de disette. C’est pourquoi les Gaulois allaient cérémonieusement en cueillir quelques bouquets qu’ils suspendaient au dessus du foyer. L’année se renouvelait sous le signe du gui. L’image des druides se rendant dans la forêt pour y cueillir le gui avec une faucille d’or sur le chêne est trop familière pour que nous nous y étendions. On sait que le chêne ne porte pour ainsi dire jamais cette plante parasite. La rareté même du phénomène pouvait inciter à des cérémonies solennelles. Mais la pratique plus simple effectuée par chaque famille était courante sans doute.
Comme nous venons de le voir la nuit sainte devait se situer au milieu du laps des douze nuits les plus longues. Les dix premiers jours comportaient des offrandes de toutes sortes aux puissances de l’Autre Monde.
Divers aliments liquides étaient répandus sur les pierres aménagées à cet effet sous la forme de cupules et de rainures ou dans les fontaines. Ce rite rappelait l’habitude primitive de faire des cadeaux en vue d’obtenir des bienfaits en échange. La Nature généreuse ne manquait pas de répondre à cette invitation et sans attendre ses dons printaniers on représentait sa générosité par des cadeaux mystérieux offerts aux enfants et par des gâteaux, prémices des récoltes à venir (*).
Ces diverses pratiques sont remarquables par l’étroite interpénétration des éléments qui les composent. Le bois sert au feu, les graines sont associées à son sommeil et à sa résurrection, le gui, les mets, les champs sont associés comme les animaux à l’activité mystérieuse de la gestation générale. Cette cohérence aux innombrables facettes est un trait caractéristique de la religion gauloise.
(*) Il semble bien que notre croissant, consommé le matin exclusivement, soit le successeur du gâteau de cette fête solsticiale. Dans certaines régions, il était distribué en même temps que l’on disait la formule “Aguilaneu” ce qu’on a traduit, probablement par erreur: Au gui l’an neuf. Certains rapprochent cette formule d’une phrase celtique signifiant: le blé lève.”
Etienne Renardet: “Vie et croyances des gaulois avant la conquête romaine”.
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Dans leur chasse sauvage vers plus de soleil et plus de chaleur, les oies sont passées cette nuit peu après 23 h. au dessus de Poitiers. Spectacle magnifique, et leurs cris portaient nos espoirs dans le retour de la saison claire… Bon voyage les belles …
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