gabriel-matzneff

Après avoir fermé la librairie, après les fêtes de fin d’année 2002, j’ai mis du temps à me réhabituer à fréquenter les boutiques de mes ex-collègues. J’avais pour ainsi dire eu une légère indigestion de bouquins pendant ces quinze ans de sacerdoce … pensez donc, il ne m’était jamais venu à l’idée de vouloir faire fortune, ou au moins de bien « gagner ma vie » (quelle expression à gerber !), je m’imaginais simplement accomplir, en quelque sorte, une mission de service public… et je n’ai jamais vendu de la merde, ou alors comme je n’ai jamais vendu que ce que j’aimais, c’était de la merde pour ainsi dire sublimée … enfin, bref de voir le livre devenir auprès de la majorité des professionnels « produit » comme les autres, c’est à dire strictement comme une boite de conserve ou une paire de chaussettes, j’ai eu du mal à supporter. Et j’ai boudé les librairies pendant plusieurs années. Ce qui fait que j’ai pas acheté grand chose pendant ces années d’abstinence .. qu’importe, si je veux, je peux aller jusqu’au centenariat (ça se dit, ça ?) sans problème et sans rien acheter même, parce que je me suis suffisamment piqué de bouquins quand j’avais la librairie, sans compter ceux que j’avais achetés avant et même sans les dizaines et dizaines dont je me suis débarrassé pour cause de manque de place, et tout ça (et que je regrette tant aujourd’hui !!!!!) … j’en ai suffisamment donc pour avoir largement de quoi lire jusqu’à ma mort …ce qui, bien sur, n’ est que rhétorique puisque je me laisse quand même aller de temps en temps, certaines rubriques de ce blog sont là pour le prouver …Ces années de quasi abstinence ont pourtant eu comme conséquence de me faire rater des trucs . Matzneff par exemple…J’avais bien appris qu’il voulait cesser la publication de son Journal et j’avais exprimé ici le déplaisir que j’en éprouvais… mais j’avais bel et bien raté la surprise qu’il avait faite à beaucoup en sortant ses « Carnets Noirs 2007-2008 » que je viens de découvrir et dont la 4ème de couverture proclame :

« Les Carnets noirs de Gabriel Matzneff sont une œuvre unique, inclassable, qui n’a cessé de susciter admiration et débat, scandale et fascination. Matzneff, en choisissant de ne rien cacher de sa vie, de se montrer à nu, sans masque, a pris tous les risques. Le courage et la liberté se paient au prix fort quand l’ordre pharisaïque tente partout d’imposer sa loi. Les tomes déjà publiés de ce journal intime couvraient des années anciennes. Aujourd’hui, au nez et à la barbe de ceux qui voudraient le faire taire, des renégates acharnées à effacer les traces de leurs amours, des censeurs dont sans cesse de nouveaux interdits réduisent nos libertés, Gabriel Matzneff, stimulé par un sentiment d’urgence, livre, tant que cela demeure possible, les années les plus récentes de sa vie – cette vie à bout portant que défigurent tant de légendes. Le temps presse. Bientôt, l’œuvre sera achevée, mais l’élan qui la porte, et fait d’elle l’une des plus singulières de notre époque, est irrépressible : rien ne l’empêchera de s’accomplir. »

Gabriel Matzneff : « Carnets Noirs 2007-2008 », aux éditions Leo Scheer.

Allez, pour la route, une petite citation : « une nature aristocratique se reconnaît à son aptitude au loisir, à son aptitude à l’ennui. Le besoin perpétuel d’une distraction est la marque d’une âme plébéienne », et puis quand même celle ci : « ils ne semblent pas comprendre que je ne leur reconnais pas le droit de me juger ».

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