(Dimanche 3 février 2002-2008)

La nuit passée dans l’avion est très étrange, un peu irréelle. Nous dinons vers 19 h. et ensuite, pendant que la plupart des passagers s’endorment, je continue à écouter Mozart sur mon baladeur à cause de ces foutues difficultés d’endormissement. Vers minuit 30 les lumières se rallument et on nous sert le petit déjeuner parce qu’il est 4 h.20 heure indienne et nous nous posons à Bombay à 6 h.15 , heure locale. Comme nous attendons depuis un bon moment nos bagages qui n’arrivent pas, il faut bien se rendre à l’évidence : s’ils n’arrivent pas, c’est qu’ils sont perdus… d’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à avoir perdu quelque chose : d’autres voyageurs ont perdu leur billet, d’autres ont raté leur avion, beaucoup courrent à droite et à gauche … et se plaignent à des préposés empreints d’une sérenité qui confine à l’indifférence. Cools à un point que c’en est complètement désarmant et que, plutôt que nous rendre fous furieux, nous finissons par prendre la chose avec beaucoup de philosophie sans pouvoir résister au fou rire qui nous plie en deux pendant longtemps … après tout, on pourra toujours se racheter quelques affaires de toilette et les quelques fringues qui nous seront indispensables…
France finit par joindre au téléphone son ami de Bombay qui nous donne rendez-vous à l’hôtel Leela. Nous y allons en taxi. Le contact avec Bombay est assez charmant : il fait beau et chaud, la végétation est luxuriante et il n’y a pas trop de mendiants à part une très jolie jeune fille, presqu’une enfant encore, avec un bébé pendu à son cou. La conduite des Indiens est plutôt, disons … sportive… c’est le moins qu’on puisse dire. On ne sait même pas s’ils roulent à droite ou à gauche car on se retrouve continuellement et indifféremment sur une file ou sur une autre. Les klaxons sont actionnés en permanence ce qui donne un bruit continuel de fond très caractéristique, les carrosseries se frôlent à se toucher à une allure qui semble vertigineuse, et c’est le même jeu d’esquive entre les carrosseries et les piétons.
Après la vétusté de l’aéroport qu’on a pu constatée puisqu’on a pas mal arpenté ses couloirs à la recherche de nos bagages, le calme, le luxe et la beauté de l’Hôtel « cinq étoiles » nous laissent pantois, il y a même un parc avec piscine et des plans d’eau couverts de nénuphars. Nous attendons l’ami de France dans les profonds fauteuils du salon et nous sommes plus ou moins endormis tous les trois quand il arrive après nous avoir attendus près d’une heure dans le hall.
delhi_bidonville.jpg Au bout d’un moment, comme le temps passe, il nous ramène à l’aéroport et là, je remarque Dharavi, le bidonville que je n’avais pas vu à l’aller: le long de la route, c’est un spectacle hallucinant (surtout au sortir de l’Hotel) de multitudes d’êtres humains qui grouillent, désoeuvrés ou apparemment désoeuvrés au milieu des bâtisses faites de débris, de toiles, de bouts de bois, de sacs poubelles, et souvent même directement sur des tas d’ordures… à la fois maisons et lieux de travail, puisqu’il parait qu’on y fabrique de tout …
98 % des passagers de l’avion pour Dehli sont des indiens musulmans, probablement partis à un pélerinage ou une commémoration quelconque, nous devons sans aucun doute être les seuls européens, les hommes sont drapés dans des linges blancs, les femmes enveloppées dans les robes et les foulards. Ils passent la majeure partie du voyage à chanter et proclamer les louanges de leur dieu, avec parfois une sorte de violence plutôt inquiétante et je ne peux pas m’empêcher de me dire que ma peau ne vaudrait pas tripette s’ils savaient mon paganisme…
En arrivant, nous avons la joie de retrouver nos bagages qui sont venus directement en sautant l’escale de Bombay… Nous prenons un taxi pour rejoindre un hôtel qu’on a relevé dans le Guide du Routard. D’ailleurs ,dans le Guide du Routard, on a vu qu’il y avait un nombre assez considérable de précautions à prendre quand on arrive en Inde. Par exemple, se méfier des taxis et des agences de voyages plus ou moins bidons… bon, il semble bien que d’entrée de jeu, on soit tombés dans le panneau puisque le taxi nous dépose en fait dans une de ces fameuses agences qui doit sans doute le payer pour ça, qui nous trouve une chambre dans un autre hôtel qui doit la payer pour ça. C’est une chaine en fait où chacun est tributaire de l’autre et finalement on ne va pas se plaindre parce que la chambre est plutôt bien, pas trop chère, et elle affiche en bonne place un avertissement aux touristes d’avoir à se méfier des agents de tourisme indélicats …
Les trajets ont été épiques dans les ruelles complètement encombrées par les véhicules, les gens, les chiens … notre prise de contact avec ce visage de l’Inde est rapide, on est tout de suite dans l’ambiance, dans le bruit, dans la poussière. Pendant que les filles sont dans l’agence, je sors fumer une clope dans la rue, enfin dans la petite ruelle qui est le théâtre d’une activité incessante, les voitures roulent, quasiment au milieu des échoppes où on prépare de la bouffe dans des odeurs qui me font saliver et se faufilent entre les gamins qui galopent dans tous les sens… on me regarde, on me sourit aussi parfois et je me sens conquis… j’aime ces gens et d’ailleurs je m’étonne d’éprouver une telle réaction instantanée, moi qui n’aime pas le bruit, qui redoute l’agitation, qui me méfie des gens, je me sens …. mais bien, oui …. bien … même si un vieil instinct de méfiance me pousse à éviter un ou deux mendiants et à ne pas trop regarder les enfants pour éviter qu’ils ne viennent me taper de quelques sous…