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franc maçonnerie du bois : tout un parfum de mystère se cache derrière l’image romantique …
la franc maçonnerie, si on écarte tout l’éventuel aspect « utilitaire », « affairiste », conserve son petit côté société secrète de fraternité… sorte de Club des Cinq ésotérique et spirituel .
et la forêt, le lieu d’épreuves initiatiques par excellence, où vivent les druides et les initiatrices, les géants et les êtres surnaturels, les fées et le petit peuple, lieu de toutes les magies…passage obligé pour le chevalier qui cherche la lumière, ou dans son itinéraire jusqu’à la source de la Dame où il affrontera le chevalier noir.Lieu par excellence de la présence du divin et du sacré, centre d’enracinement, d’enfouissement, de croissance. Lieu d’un perpétuel jeu d’ombre et de lumière, d’éblouissements et d’obscurité. C’est aussi le domaine placé sous la garde du Vieux Cornu, le dieu des chasseurs du paléolithique, le dieu des sorcières, assimilé par les Gaulois… Kernunnos… maître suprême des royaumes les plus sauvages, qui gouverne les forces primales de vie, de mort et de renaissance qui nourrissent le monde naturel,
Depuis son trône profond dans les sombres forêts , Il est le chef suprême des royaumes les plus sauvages que ses habitants honorent comme leur véritable maître, lui et ses serviteurs : le Gruagach des Highland en Ecosse, le Boggart du Lancashire, le Brownie d’Angleterre, à qui on faisait régulièrement des offrandes en échange de leur aide pour accroître la fertilité et les richesses naturelles.
C’est sans doute lui qu’on voit dans le conte gallois de « Owein ou la Comtesse de la fontaine » du Mabinogion assis sur un petit monticule dans la clairière d’une forêt. Grand homme noir plus grand que deux hommes de ce monde. Il a un pied, un œil au milieu du front, et il porte une lance en fer… Bien que laid, ce n’est pas un homme désagréable. Il est le gardien de la forêt, et un millier d’animaux sauvages broutent autour de lui, le saluant et l’honorant tels que le font les hommes obéissants envers leur seigneur. Son rôle par rapport à Kynon, qui cherche le chemin de la fontaine où il doit affronter le chevalier noir, est de lui indiquer en fait le chemin de l’initiation.

Merlin, l’Homme Sauvage

On ne peut pas parler de la fôret sans parler de Merlin car dans l’univers celtique, la forêt est un sanctuaire, un lieu de résidence des divinités. Par sa folie, par son séjour sylvestre, Merlin se rapproche de la divinité. Il devient l’authentique divinité des bois. De plus il lui arrive d’utiliser des cerfs comme monture , et durant l’hiver, il vit en compagnie d’un loup gris, ce qui le rattache au chamanisme. Le loup est maître Blaise, scribe de Merlin, mais en fait son double, comme le loup est le compagnon de l’Homme Sauvage. Et puis Merlin, à sa naissance, est velu comme un ours. Merlin, l’Homme Sauvage…
Il n’appartient pas seulement à la forêt, il est lui même le Forêt. Il est la Nature à lui seul parce qu’il en incarne les mouvements secrets et l’énergie première. Il porte en lui le rythme des saisons et le principe même du temps
En fait, Merlin, c’est l’Homme Vert…Il est l’archétype le plus profond, le plus primal, le plus primordial du Chaman… Il est indifférencié, il est habité par les différentes énergies de la forêt…. il participe de l’humanité mais aussi du monde minéral, du monde animal et du monde végétal… ce qui veut dire qu’on ne sait pas trop s’il est homme ou s’il est pierre, animal ou végétal…
Il pourrait se rapprocher de Kernunnos mais celui ci est trop lié à la « fertilité » et à la « sexualité », il est complètement différencié…non, Merlin semble bien plutôt être l’Homme Vert… il est le Gardien, l’Esprit de la Forêt … et donc détenteur de la souveraineté qui, là, est magique et chamanique…

Jack in the Green et Robin des Bois

Dans les festivités attachées à la fête celte de Beltaine, le 1er mai, dans les pays anglo-saxons « Jack-in-the-Green » (Green Man) représente en quelque sorte la transition du printemps à l’été, la pleine floraison des végétaux et des êtres. Il s’agit d’un personnage disposant de pouvoirs de fertilité et de régénération. Dans les campagnes anglaises, c’est lui le « roi du Mai » (May King) et à ce titre, il épouse chaque année la plus jolie fille du village, la « reine du Mai » (May Queen). Au cours de la fête du Mai, Jack-in-the-Green (invariablement revêtu de feuilles et de branchages) doit d’abord faire semblant d’être mort (à l’instar de la Terre qui parait morte, l’hiver). Puis, à un certain moment, il « ressuscite » brusquement et s’élance pour danser avec la « reine du Mai ». On célèbre alors son « union » avec elle, en même temps que le retour annuel de la vie.
Domaine des animaux et de leur Maître, la forêt est aussi le domaine des proscrits (dans le haut Moyen Age scandinave, le proscrit s’y réfugiait et y vivait librement mais pouvait être abattu par quiconque le rencontrait) comme des rebelles qui « à diverses époques, ont élu la solitude, la misère et le danger, plutot que de reconnaitre une autorité qu’ils tenaient pour illégitime » (Ernst Jünger: « Traité du Rebelle, ou le recours aux forêts« ), ce qui ménage une belle entrée en matière au fait qu’un
parallèle ait été dressé entre « l’homme vert » des fêtes du Mai et un personnage semi légendaire comme Robin Hood, alias Robin des Bois. Indépendamment de ses bases « historiques », il ne fait pas de doute que Robin Hood possède une dimension mythique qui l’apparente directement à Jack-in-the-Green. En premier lieu il est d’évidence lié à la végétation. Son costume est traditionnellement de couleur verte: il est « l’homme vert ». Son terrain d’action est une forêt, et celle ci semble jouer un rôle plus important qu’un simple cadre géographique. Par son nom même, Robin des Bois apparait comme l’incarnation de la forêt, le génie de la forêt de Sherwood. Par ailleurs Robin Hood est un archer, un chasseur, un ami des animaux, le protecteur de la végétation (= fertilité), le protecteur des faibles et notamment des femmes (= fécondité), le protecteur du peuple (= productivité). C’est grâce à ses interventions que les biens matériels se trouvent redistribués et plus justement répartis. Tous ces traits situent bien Robin dans le prolongement d’une ancienne divinité de « troisième fonction » (presque toutes les fêtes rurales saisonnières sont dans la dépendance de la troisième fonction) ».

La Franc-Maçonnerie forestière

Un ensemble de rites peu connus émerge dans la Maçonnerie dans les années 1747 ,qui sera nommé « la FM du Bois » et qui présente la double caractéristique de se démarquer du symbolisme de la pierre pour utiliser celui du bois et de ne présenter aucune connotation judéo-chrétienne au contraire du contexte habituel de la maçonnerie
Il semble que nous ayons affaire là, à un rite très antique sans pouvoir en situer l’origine exacte. Tel qu’il se présente, il fusionne deux « familles » du compagnonnage médiéval: les Charbonniers qui, dans le fond des bois, utilisent les copeaux et les chutes pour faire le charbon (destiné aux forges par exemple), et les Fendeurs qui coupent le bois dont se serviront les artisans charpentiers,mais aussi les maréchaux, les verriers, les tuileurs. Ces derniers obtenaient un droit de coupe émanant du propriétaire des terres qu’ils pouvaient léguer à leurs héritiers . Ce qui fait que ce sont développés des métiers compagnonniques sédentaires, en face des métiers mobiles qu’on trouvait plus dans les villes au contact d’une chrétienté en marche et de ses monuments qu’ils lui élevaient : les uns se sont vite christianisés, les autres semblent être restés, du fond de leurs forêts, plus récalcitrants à toute évangélisation.Le druide antique est lui aussi un homme des forêts et les fragiles survivances locales et rurales de la rituélie celte ont du s’enfoncer dans les fourrés au fin fond des bois pour survivre aux buchers de l’Inquisition. Il y a certainement là une des causes originelles de la fusion entre les groupes très sédentaires de fendeurs et charbonniers avec les cultes de terroirs résistant à la romanisation musclée de l’Inquisition (ce qu’on peut prendre comme une pierre dans le jardin de Margaret Murray qui considérait les descriptions de sabbat effectuée au cours des procès de sorcellerie comme des retranscriptions de rituels d’un culte organisé, lui-même lié à une religion païenne pré-chrétienne de la fertilité, ayant survécu partout en Europe depuis la nuit des temps…). C’est tout naturellement que ces rites forestiers vont se faire une place dans l’espace de liberté ouvert par le réveil simultané, dans les mêmes tavernes londoniennes en 1717 du druidisme et de la maçonnerie grace notamment à des personnalités comme John Toland, qui appartenait à l’un et à l’autre. Et le 17 aout 1747, se met en place en France la première Vente Forestière sous le nom distinctif de Chantier du Globe et de la Gloire. Animée par le père maître Beauchêne dont il faut relativiser l’importance dans l’instauration de ces rites, mais qui disait tenir ses pouvoirs de M. de Curval, grand Maître des Eaux et Forêts du Comté d’Eu et seigneur du Courval, elle se tint dans une atmosphère chaleureuse et bon enfant dit-on même si l’on y reconnaissait une grande partie de la Cour du Roi et beaucoup de notables de la région, tous vêtus de manière grossièrement paysannne et chaussant sabots.(on pense aussi aux dames de la Cour qui se déguisaient en bergères avec Marie Antoinette)
Le rite est mixte. On n’y est pas frère mais cousin; on y prend un nom d’arbre quand on tient un office dans la Loge, appelée Vente: cousin Duchêne, cousin Delorme, cousin Ducharme, cousin de l’Erable, cousin Dufrêne, cousin Duhêtre. Les gardiens des portes sont des Piqueurs, les profanes, des Briquets, et le vénérable est le Père-maître. Les Ventes ont lieu dans la nature, à la croisée des chemins, dans un endroit entouré d’arbres. Devant chaque officier se trouve un billot de bois sur lequel est déposé une couronne de feuilles de chêne. Quatre cabanes font partie du rituel. La cabane de l’Ermite, la cabane du Vigneron, la cabane de la Mère Catault et la cabane de l’Ours (un lien avec l’Alban Arthan druidique, solstice d’hiver, situé au nord : la lumière d’Arthur -lié à l’Ours ???). Les cousins fendeurs se mettent en cercle lors des Ventes. Pour tableau de loge, on place au centre de la Vente des scies, cognées, coins, haches et toutes sortes de branchages. Dans les instructions, le corps de l’homme est analogiquement comparé aux éléments constitutifs de l’arbre. L’arbre à dix branches est les mains, le tronc est le buste, les racines les pieds, les grosses branches les bras, les feuilles les habits … A la question « connais tu ton père ? », on répond en montrant le ciel, à « connais-tu ta mère », on montre la terre.
Mais parce que le père maître Beauchêne était un partisan de l’inamovibilité des Vénérables, que l’aristocratie jouait un grand rôle dans le rituel puisqu’il provenait des forêts du Bourbonnais où des nobles proscrits avaient trouvé refuge, puis avaient été initiés par des bûcherons, et que les marques païennes en étaient flagrantes, le rite ne perdura pas longtemps malgré sa valeur spirituelle et culturelle qui met en avant le devoir d’hospitalité envers tous ceux qui « sont perdus dans la forêt », et la notion de justice dans son sens noble.
Par ailleurs, dès le début du XVIIIe siècle, la France voit la naissance d’autres rites maçonniques forestiers, mais cette fois-ci christianisés, que certaines conditions historiques comme la création du Grand Orient de France et la Révolution empêcheront de se développer. Si bien que la Franc Maçonnerie du Bois choisit de s’aventurer dans l’action politique au XIXe siècle dans la carbonaria italienne ou charbonnerie française ( mouvement initiatique et secret, à forte connotation politique, qui joua un rôle occulte important notamment pendant l’épisode des quatre sergents de la Rochelle, sous la Restauration et de la conspiration du général Berton, et qui contribua à l’unification de l’Italie au milieu du XIXe siècle.) Elle finit pourtant par disparaitre malgré quelques soubresauts plus ou moins anecdotiques. Puis, au sortir de la 2eme Guerre Mondiale, un essai de restauration de l’initiation forestière est entrepris par celui qui sera l’initiateur en 1976 de la Grande Loge Indépendante et Souveraine des Rites Unis (Humanitas).En 1999, A. R. Königstein prona le retour d’un carbonarisme initiatique et insurrectionnel et proposa un rituel de Charbonnerie opérant un transfert vers le paganisme, se détachant d’une structure maçonnique classique, et refusant le recours à la violence et au terrorisme. Je ne sais pas pas si des ventes pratiquent aujourd’hui ce rite.

Enfin, en 1993, le grand druide de la Gorsedd de Bretagne Gwenc’hlan Le Scouëzec, récemment disparu rassembla autour de lui un groupe de francs-macons français pour constituer une loge maçonnique de la pierre et ensuite y instaurer le rite maçonnique forestier pratiqué aujourd’hui, s’inspirant directement des rituels de Beauchêsne de 1747. Cette démarche procédait pour Le Scouezec d’une prise de conscience selon laquelle le message culturel du druidisme païen contemporain est enraciné dans les terres celtes, mais que le message spirituel et religieux, lui,dépasse les contraintes des frontières régionales et pourrait être ouvert le plus largement possible à tous ceux qui sont sensibles à cette approche de l’homme et de l’univers.. La Maçonnerie forestière pourrait alors être considérée comme un « sas de communication » entre le druidisme sacerdotal contemporain et le monde en général avec toutes les composantes traditionnelles qui l’habitent. De plus les loges forestières , chacune sur son sol, pourraient faire des recherches profitables au recensement des données culturelles celtes qui émergent encore parfois ça et là capables de légitimer une reconstruction païenne.

Si tu veux être digne combattant, montre-toi paisible dans la maison
d’un grand. Terrible dans le danger. Sans juste motif, ne bats pas ton
chien. Sans preuves de sa faute n’accuse pas ta femme.

Au combat, ne porte pas le main sur un fou, car il ne sait pas ce qu’il
fait. Ne médis pas de qui a un nom, ne te bas pas dans une dispute;
n’aie rien a faire avec un méchant ou un sot.

Deux tiers de ta générosité et de ta gentillesse montre-le à la femme,
aux enfant qui rampent sur le sol, aux sages qui construisent les
poèmes, ne sois pas rude aux gens de peux.

Fuis les discours vantards, ne dis pas que tu refuses de céder même
dans les choses justes, car c’est une honte de parler raide quand on ne
peut ensuite soutenir ses dires.

Aussi longtemps que tu vis, n’abandonne pas ton maitre pour argent ni
or, n’abandonne pas qui tu as promis de défendre.

Ne médis pas des siens auprès d’un grand, ce n’est pas le fait d’un
digne combattant.

Ne répète pas de mensonges, ne sois ni bavard, no calomnieur; si brave
et puissant sois-tu, n’excite pas les inimités.

Ne censure pas les anciens, ne te mêle point aux gens de rien, fais
largesse de ta table; que le ladre ne soit jamais ton ami.

Serre ton vêtement, tiens fermement tes armes jusqu’à ce que le dur
combat aux lames étincelantes s’achève. Cours la bonne fortune mais
néanmoins épouse la noblesse.

(ces principes sont  des règles de vie extraites de textes relatifs aux Fianna…)

« préceptes druidiques de vie » :

1. Se connaître est bien, se maîtriser est mieux.
2. C’est par l’exercice que tu acquerras la puissance de la volonté, par l’exercice que tu la garderas.
3. Ne laisse pas la crainte ni le doute te paralyser, ils limitent et détruisent tout.
4. Ce qu’il convient de faire, décide-le ; ce que tu as décidé, entreprends-le ; ce que tu as entrepris, achève-le.
5. Si rude et si obscure que soit la tâche quotidienne, accomplis-la dans la joie.
6. Ne ralentis pas ton ascension par un lest inutile, composé d’orgueil et de suffisance.
7. Sache vaincre toute fatigue de ton corps, tout faux pas de ton esprit, toute défaillance de ton âme.
8. Si tu ne peux modifier les hommes et les évènements à l’image de tes désirs, que du moins ce ne soit pas eux qui te modifient.
9. Mets ton point d’honneur à n’avoir de serviteur que toi-même.
10. N’érige pas autrui en juge de tes actions.
11. En quelque circonstance que tu te trouves, demeure comme une île au milieu des vagues, comme une montagne au milieu des nuages.
12. Garde ton sang-froid dans tout danger.
13. Ne te force jamais : prends patience, garde la joie et le sourire, vise à l’harmonie.
14. Apprends de l’étranger ce qui peut t’être utile, mais ne cherche pas à l’imiter.
15. Utilise analogies et symboles, ils te permettront de penser et de comprendre là où finit ta raison, où il te manque les mots pour exprimer ta pensée.
16. Apprends que toute pensée est stérile, si elle n’est pas rendue vivante par l’émotion ou le sentiment, elle est alors semblable à une coque vide.
17. Pense en image, précise tes pensées, résume le tout par un symbole qui deviendra pentacle.
18. Grâce à ces Conseils tu garderas la loi, et tu t’élèveras au dessus de toi-même.

Ces préceptes sont extraits des « Kelennadurezh du Druide Vissurix 3778 / 3821 ». Le druide Uissurix est l’un des cinq fondateurs de la Kredenn Geltiek Hollvedel

Pas question ici de dire si les lycéens ont tort ou raison dans leurs revendications… c’est pas le propos et il y a suffisamment de blogs spécialisés pour expliquer en long et en large pourquoi ils ont maintenant pris l’habitude de descendre dans la rue tous les mardis … moi ce qui m’occupe, et ce qui m’interloque et ce qui m’effraie c’est de voir ces petits cons plus cons que nature, qui se filment, comme la semaine dernière, en train de balancer des grosses caillasses sur le Rectorat, qui passent le film sur youtube et qui s’étonnent ensuite de ce que les flics viennent les cueillir après les avoir identifiés sur le Net …(libérez nos-ca-ma-rades, libérez nos-ca-ma-rades … hahaha …) … ces merdeux, ces petits salauds qui se filment en train de tabasser gratuitement un passant , pour le fun, ne sont guère différents de ces « mutins de Panurge » qui n’ont même pas conscience qu’un pavé sur la gueule ça peut faire mal, ça peut même tuer parce que des caillasses, ils en ont aussi balancé sur les flics qui ont du longtemps attendre les ordres du préfet avant de répondre avec les lacrymos (on voit que c’est pas lui, le préfet, qui était dans la rue…). Z’ont pas conscience qu’un pavé ça peut faire mal mais s’insurgent contre les gaz qui font pleurer leurs petits quinquets fragiles d’enfants de bourges-fonctionnaires-bobos… Quand on veut jouer au rebelle, d’une faut savoir prendre ses responsabilités mais ça, c’est un mot (avec « respect ») qu’on n’emploie plus guère … et de deux, c’est mieux quand on évite d’être con … mais ça, c’est une autre histoire …

Ce texte est paru dans de nombreuses revues écologiques, sans que Giono accepte jamais de droits d’auteur.
Voici ce que disait Giono de son texte dans une lettre qu’il écrivit au Conservateur des Eaux et Forêts de Digne, en 1957, au sujet de cette nouvelle :
“Cher Monsieur,
Navré de vous décevoir, mais Elzéard Bouffier est un personnage inventé. Le but était de faire aimer l’arbre ou plus exactement faire aimer à planter des arbres (ce qui est depuis toujours une de mes idées les plus chères). Or si j’en juge par le résultat, le but a été atteint par ce personnage imaginaire. Le texte que vous avez lu dans Trees and Life a été traduit en Danois, Finlandais, Suédois, Norvégien, Anglais, Allemand, Russe, Tchécoslovaque, Hongrois, Espagnol, Italien, Yddisch, Polonais. J’ai donné mes droits gratuitement pour toutes les reproductions. Un américain est venu me voir dernièrement pour me demander l’autorisation de faire tirer ce texte à 100 000 exemplaires pour les répandre gratuitement en Amérique (ce que j’ai bien entendu accepté). L’Université de Zagreb en fait une traduction en yougoslave. C’est un de mes textes dont je suis le plus fier. Il ne me rapporte pas un centime et c’est pourquoi il accomplit ce pour quoi il a été écrit. J’aimerais vous rencontrer, s’il vous est possible, pour parler précisément de l’utilisation pratique de ce texte. Je crois qu’il est temps qu’on fasse une “politique de l’arbre” bien que le mot politique semble bien mal adapté.
Très cordialement,    Jean Giono”

Alors ce sera une de mes modestes contributions à la « politique de l’arbre » de Giono

Jean Giono
L’Homme qui plantait des Arbres, 1953

Pour que le caractère d’un être humain dévoile des qualités vraiment exceptionnelles, il faut avoir la bonne fortune de pouvoir observer son action pendant de longues années. Si cette action est dépouillée de tout égoïsme, si l’idée qui la dirige est d’une générosité sans exemple, s’il est absolument certain qu’elle n’a cherché de récompense nulle part et qu’au surplus elle ait laissé sur le monde des marques visibles, on est alors, sans risque d’erreurs, devant un caractère inoubliable.

Il y a environ une quarantaine d’années, je faisais une longue course à pied, sur des hauteurs absolument inconnues des touristes, dans cette très vieille région des Alpes qui pénètre en Provence.
Cette région est délimitée au sud-est et au sud par le cours moyen de la Durance, entre Sisteron et Mirabeau ; au nord par le cours supérieur de la Drôme, depuis sa source jusqu’à Die ; à l’ouest par les plaines du Comtat Venaissin et les contreforts du Mont Ventoux. Elle comprend toute la partie nord du département des Basses Alpes, le sud de la Drôme et une petite enclave du Vaucluse.
C’était, au moment ou j’entrepris ma longue promenade dans ces déserts, des landes nues et monotones, vers 1200 à 1300 mètres d’altitude. Il n’y poussait que des lavandes sauvages.
Je traversais ce pays dans sa plus grande largeur et, après trois jours de marche, je me trouvais dans une désolation sans exemple. Je campais à côté d’un squelette de village abandonné. Je n’avais plus d’eau depuis la veille et il me fallait en trouver. Ces maisons agglomérées, quoique en ruine, comme un vieux nid de guêpes, me firent penser qu’il avait dû y avoir là, dans le temps, une fontaine ou un puits. Il y avait bien une fontaine, mais sèche. Les cinq à six maisons, sans toiture, rongées de vent et de pluie, la petite chapelle au clocher écroulé, étaient rangées comme le sont les maisons et les chapelles dans les villages vivants, mais toute vie avait disparu.
C’était un beau jour de juin avec grand soleil, mais, sur ces terres sans abri et hautes dans le ciel, le vent soufflait avec une brutalité insupportable. Ses grondements dans les carcasses des maisons étaient ceux d’un fauve dérangé dans son repas.
Il me fallut lever le camp. A cinq heures de marche de là, je n’avais toujours pas trouvé d’eau et rien ne pouvait me donner l’espoir d’en trouver. C’était partout la même sécheresse, les mêmes herbes ligneuses. Il me sembla apercevoir dans le lointain une petite silhouette noire, debout. Je la pris pour le tronc d’un arbre solitaire. A tout hasard, je me dirigeai vers elle. C’était un berger. Une trentaine de moutons couchés sur la terre brûlante se reposaient près de lui.
Il me fit boire à sa gourde et, un peu plus tard, il me conduisit à sa bergerie, dans une ondulation du plateau. Il tirait son eau, excellente, d’un trou naturel, très profond, au-dessus duquel il avait installé un treuil rudimentaire.
Cet homme parlait peu. C’est le fait des solitaires, mais on le sentait sûr de lui et confiant dans cette assurance. C’était insolite dans ce pays dépouillé de tout. Il n’habitait pas une cabane mais une vraie maison en pierre ou l’on voyait très bien comment son travail personnel avait rapiécé la ruine qu’il avait trouvée là à son arrivée. Son toit était solide et étanche. Le vent qui le frappait faisait sur les tuiles le bruit de la mer sur les plages.
Son ménage était en ordre, sa vaisselle lavée, son parquet balayé, son fusil graissé ; sa soupe bouillait sur le feu. Je remarquai alors qu’il était aussi rasé de frais, que tous ses boutons étaient solidement cousus, que ses vêtements étaient reprisés avec le soin minutieux qui rend les reprises invisibles.
Il me fit partager sa soupe et, comme après je lui offrais ma blague à tabac, il me dit qu’il ne fumait pas. Son chien, silencieux comme lui, était bienveillant sans bassesse.
Il avait été entendu tout de suite que je passerais la nuit là ; le village le plus proche était encore à plus d’une une journée et demie de marche. Et, au surplus, je connaissais parfaitement le caractère des rares villages de cette région. Il y en a quatre ou cinq dispersés loin les uns des autres sur les flans de ces hauteurs, dans les taillis de chênes blancs à la toute extrémité des routes carrossables. Ils sont habités par des bûcherons qui font du charbon de bois. Ce sont des endroits où l’on vit mal. Les familles serrées les unes contre les autres dans ce climat qui est d’une rudesse excessive, aussi bien l’été que l’hiver, exaspèrent leur égoïsme en vase clos. L’ambition irraisonnée s’y démesure, dans le désir continu de s’échapper de cet endroit.
Les hommes vont porter leur charbon à la ville avec leurs camions puis retournent. Les plus solides qualités craquent sous cette perpétuelle douche écossaise. Les femmes mijotent des rancœurs. Il y a concurrence sur tout, aussi bien pour la vente du charbon que pour le banc à l’église, pour les vertus qui se combattent entre elles, pour les vices qui se combattent entre eux et pour la mêlée générale des vices et des vertus, sans repos. Par là-dessus, le vent également sans repos irrite les nerfs. Il y a des épidémies de suicides et de nombreux cas de folies, presque toujours meurtrières.
Le berger qui ne fumait pas alla chercher un petit sac et déversa sur la table un tas de glands. Il se mit à les examiner l’un après l’autre avec beaucoup d’attention, séparant les bons des mauvais. Je fumais ma pipe. Je me proposai pour l’aider. Il me dit que c’était son affaire. En effet : voyant le soin qu’il mettait à ce travail, je n’insistai pas. Ce fut toute notre conversation. Quand il eut du côté des bons un tas de glands assez gros, il les compta par paquets de dix. Ce faisant, il éliminait encore les petits fruits ou ceux qui étaient légèrement fendillés, car il les examinait de fort près. Quand il eut ainsi devant lui cent glands parfaits, il s’arrêta et nous allâmes nous coucher.
La société de cet homme donnait la paix. Je lui demandai le lendemain la permission de me reposer tout le jour chez lui. Il le trouva tout naturel ou, plus exactement, il me donna l’impression que rien ne pouvait le déranger. Ce repos ne m’était pas absolument obligatoire, mais j’étais intrigué et je voulais en savoir plus. Il fit sortir son troupeau et il le mena à la pâture. Avant de partir, il trempa dans un seau d’eau le petit sac ou il avait mis les glands soigneusement choisis et comptés.
Je remarquai qu’en guise de bâton, il emportait une tringle de fer grosse comme le pouce et longue d’environ un mètre cinquante. Je fis celui qui se promène en se reposant et je suivis une route parallèle à la sienne. La pâture de ses bêtes était dans un fond de combe. Il laissa le petit troupeau à la garde du chien et il monta vers l’endroit ou je me tenais. J’eus peur qu’il vînt pour me reprocher mon indiscrétion mais pas du tout, c’était sa route et il m’invita à l’accompagner si je n’avais rien de mieux à faire. Il allait à deux cents mètres de là, sur la hauteur.
Arrivé à l’endroit où il désirait aller, il se mit à planter sa tringle de fer dans la terre. Il faisait ainsi un trou dans lequel il mettait un gland, puis il rebouchait le trou. Il plantait des chênes. Je lui demandai si la terre lui appartenait. Il me répondit que non. Savait-il à qui elle était ? Il ne savait pas. Il supposait que c’était une terre communale ou, peut-être, était-elle propriété de gens qui ne s’en souciaient pas ? Lui ne se souciait pas de connaître les propriétaires. Il planta ainsi cent glands avec un soin extrême.
Après le repas de midi, il recommença à trier sa semence. Je mis, je crois, assez d’insistance dans mes questions puisqu’il y répondit. Depuis trois ans il plantait des arbres dans cette solitude. Il en avait planté cent mille. Sur les cent mille, vingt mille était sortis. Sur ces vingt mille, il comptait encore en perdre la moitié, du fait des rongeurs ou de tout ce qu’il y a d’impossible à prévoir dans les desseins de la Providence. Restaient dix mille chênes qui allaient pousser dans cet endroit où il n’y avait rien auparavant.
C’est à ce moment là que je me souciai de l’âge de cet homme. Il avait visiblement plus de cinquante ans. Cinquante-cinq, me dit-il. Il s’appelait Elzéard Bouffier. Il avait possédé une ferme dans les plaines. Il y avait réalisé sa vie.
Il avait perdu son fils unique, puis sa femme. Il s’était retiré dans la solitude où il prenait plaisir à vivre lentement, avec ses brebis et son chien. Il avait jugé que ce pays mourait par manque d’arbres. Il ajouta que, n’ayant pas d’occupations très importantes, il avait résolu de remédier à cet état de choses.
Menant moi-même à ce moment-là, malgré mon jeune âge, une vie solitaire, je savais toucher avec délicatesse aux âmes des solitaires. Cependant, je commis une faute. Mon jeune âge, précisément, me forçait à imaginer l’avenir en fonction de moi-même et d’une certaine recherche du bonheur. Je lui dis que, dans trente ans, ces dix mille chênes seraient magnifiques. Il me répondit très simplement que, si Dieu lui prêtait vie, dans trente ans, il en aurait planté tellement d’autres que ces dix mille seraient comme une goutte d’eau dans la mer.
Il étudiait déjà, d’ailleurs, la reproduction des hêtres et il avait près de sa maison une pépinière issue des faines. Les sujets qu’il avait protégés de ses moutons par une barrière en grillage, étaient de toute beauté. Il pensait également à des bouleaux pour les fonds où, me dit-il, une certaine humidité dormait à quelques mètres de la surface du sol.
Nous nous séparâmes le lendemain.
L’année d’après, il y eut la guerre de 14 dans laquelle je fus engagé pendant cinq ans. Un soldat d’infanterie ne pouvait guère y réfléchir à des arbres. A dire le vrai, la chose même n’avait pas marqué en moi ; je l’avais considérée comme un dada, une collection de timbres, et oubliée.
Sorti de la guerre, je me trouvais à la tête d’une prime de démobilisation ridicule mais avec le grand désir de respirer un peu d’air pur. C’est sans idée préconçue, sauf celle-là, que je repris le chemin de ces contrées désertes.
Le pays n’avait pas changé. Toutefois, au-delà du village mort, j’aperçus dans le lointain une sorte de brouillard gris qui recouvrait les hauteurs comme un tapis. Depuis la veille, je m’étais remis à penser à ce berger planteur d’arbres. “Dix mille chênes, me disais-je, occupent vraiment un très large espace”.
J’avais vu mourir trop de monde pendant cinq ans pour ne pas imaginer facilement la mort d’Elzéard Bouffier, d’autant que, lorsqu’on en a vingt, on considère les hommes de cinquante comme des vieillards à qui il ne reste plus qu’à mourir. Il n’était pas mort. Il était même fort vert. Il avait changé de métier. Il ne possédait plus que quatre brebis mais, par contre, une centaine de ruches. Il s’était débarrassé des moutons qui mettaient en péril ses plantations d’arbres. Car, me dit-il (et je le constatais), il ne s’était pas du tout soucié de la guerre. Il avait imperturbablement continué à planter.
Les chênes de 1910 avaient alors dix ans et étaient plus hauts que moi et que lui. Le spectacle était impressionnant. J’étais littéralement privé de parole et, comme lui ne parlait pas, nous passâmes tout le jour en silence à nous promener dans sa forêt. Elle avait, en trois tronçons, onze kilomètres dans sa plus grande largeur. Quand on se souvenait que tout était sorti des mains et de l’âme de cet homme, sans moyens techniques, on comprenait que les hommes pourraient être aussi efficaces que Dieu dans d’autres domaines que la destruction.
Il avait suivi son idée, et les hêtres qui m’arrivaient aux épaules, répandus à perte de vue, en témoignaient. Les chênes étaient drus et avaient dépassé l’âge ou ils étaient à la merci des rongeurs ; quant aux desseins de la Providence elle-même pour détruire l’œuvre créée, il lui faudrait avoir désormais recours aux cyclones. Il me montra d’admirables bosquets de bouleaux qui dataient de cinq ans, c’est-à-dire de 1915, de l’époque ou je combattais à Verdun. Il leur avait fait occuper tous les fonds où il soupçonnait, avec juste raison, qu’il y avait de l’humidité presque à fleur de terre. Ils étaient tendres comme des adolescents et très décidés.
La création avait l’air, d’ailleurs, de s’opérer en chaîne. Il ne s’en souciait pas ; il poursuivait obstinément sa tâche, très simple. Mais en redescendant par le village, je vis couler de l’eau dans des ruisseaux qui, de mémoire d’homme, avaient toujours été à sec. C’était la plus formidable opération de réaction qu’il m’ait été donné de voir. Ces ruisseaux secs avaient jadis porté de l’eau, dans des temps très anciens.
Certains de ces villages tristes dont j’ai parlé au début de mon récit s’étaient construits sur les emplacements d’anciens villages gallo-romains dont il restait encore des traces, dans lesquelles les archéologues avaient fouillé et ils avaient trouvé des hameçons à des endroits où au vingtième siècle, on était obligé d’avoir recours à des citernes pour avoir un peu d’eau.
Le vent aussi dispersait certaines graines. En même temps que l’eau réapparut, réapparaissaient les saules, les osiers, les prés, les jardins, les fleurs et une certaine raison de vivre.
Mais la transformation s’opérait si lentement qu’elle entrait dans l’habitude sans provoquer d’étonnement. Les chasseurs qui montaient dans les solitudes à la poursuite des lièvres ou des sangliers avaient bien constaté le foisonnement des petits arbres mais ils l’avaient mis sur le compte des malices naturelles de la terre. C’est pourquoi personne ne touchait à l’œuvre de cet homme. Si on l’avait soupçonné, on l’aurait contrarié. Il était insoupçonnable. Qui aurait pu imaginer, dans les villages et dans les administrations, une telle obstination dans la générosité la plus magnifique ?
A partir de 1920, je ne suis jamais resté plus d’un an sans rendre visite à Elzéard Bouffier. Je ne l’ai jamais vu fléchir ni douter. Et pourtant, Dieu sait si Dieu même y pousse ! Je n’ai pas fait le compte de ses déboires. On imagine bien cependant que, pour une réussite semblable, il a fallu vaincre l’adversité ; que, pour assurer la victoire d’une telle passion, il a fallu lutter avec le désespoir. Il avait, pendant un an, planté plus de dix mille érables. Ils moururent tous. L’an d’après, il abandonna les érables pour reprendre les hêtres qui réussirent encore mieux que les chênes.
Pour avoir une idée à peu près exacte de ce caractère exceptionnel, il ne faut pas oublier qu’il s’exerçait dans une solitude totale ; si totale que, vers la fin de sa vie, il avait perdu l’habitude de parler. Ou, peut-être, n’en voyait-il pas la nécessité ?
En 1933, il reçut la visite d’un garde forestier éberlué. Ce fonctionnaire lui intima l’ordre de ne pas faire de feu dehors, de peur de mettre en danger la croissance de cette forêt naturelle.
C’était la première fois, lui dit cet homme naïf, qu’on voyait une forêt pousser toute seule. A cette époque, il allait planter des hêtres à douze kilomètres de sa maison. Pour s’éviter le trajet d’aller-retour, car il avait alors soixante-quinze ans, il envisageait de construire une cabane de pierre sur les lieux mêmes de ses plantations. Ce qu’il fit l’année d’après.
En 1935, une véritable délégation administrative vint examiner la “forêt naturelle”. Il y avait un grand personnage des Eaux et Forêts, un député, des techniciens. On prononça beaucoup de paroles inutiles. On décida de faire quelque chose et, heureusement, on ne fit rien, sinon la seule chose utile : mettre la forêt sous la sauvegarde de l’Etat et interdire qu’on vienne y charbonner. Car il était impossible de n’être pas subjugué par la beauté de ces jeunes arbres en pleine santé. Et elle exerça son pouvoir de séduction sur le député lui-même.
J’avais un ami parmi les capitaines forestiers qui était de la délégation. Je lui expliquai le mystère. Un jour de la semaine d’après, nous allâmes tous les deux à la recherche d’Elzéard Bouffier. Nous le trouvâmes en plein travail, à vingt kilomètres de l’endroit où avait eu lieu l’inspection.
Ce capitaine forestier n’était pas mon ami pour rien. Il connaissait la valeur des choses. Il sut rester silencieux. J’offris les quelques œufs que j’avais apportés en présent. Nous partageâmes notre casse-croûte en trois et quelques heures passèrent dans la contemplation muette du paysage.
Le côté d’où nous venions était couvert d’arbres de six à sept mètres de haut. Je me souvenais de l’aspect du pays en 1913, le désert… Le travail paisible et régulier, l’air vif des hauteurs, la frugalité et surtout la sérénité de l’âme avaient donné à ce vieillard une santé presque solennelle. C’était un athlète de Dieu. Je me demandais combien d’hectares il allait encore couvrir d’arbres ?
Avant de partir, mon ami fit simplement une brève suggestion à propos de certaines essences auxquelles le terrain d’ici paraissait devoir convenir. Il n’insista pas. “Pour la bonne raison, me dit-il après, que ce bonhomme en sait plus que moi.” Au bout d’une heure de marche, l’idée ayant fait son chemin en lui, il ajouta : “Il en sait beaucoup plus que tout le monde. Il a trouvé un fameux moyen d’être heureux !”
C’est grâce à ce capitaine que, non seulement la forêt, mais le bonheur de cet homme furent protégés. Il fit nommer trois gardes forestiers pour cette protection et il les terrorisa de telle façon qu’ils restèrent insensibles à tous les pots-de-vin que les bûcherons pouvaient proposer.
L’œuvre ne courut un risque grave que pendant la guerre de 1939. Les automobiles marchant alors au gazogène, on n’avait jamais assez de bois. On commença à faire des coupes dans les chênes de 1910, mais ces quartiers sont si loin de tous réseaux routiers que l’entreprise se révéla très mauvaise au point de vue financier. On l’abandonna. Le berger n’avait rien vu. Il était à trente kilomètres de là, continuant paisiblement sa besogne, ignorant la guerre de 39 comme il avait ignoré la guerre de 14.
J’ai vu Elzéard Bouffier pour la dernière fois en juin 1945. Il avait alors quatre-vingt-sept ans. J’avais donc repris la route du désert, mais maintenant, malgré le délabrement dans lequel la guerre avait laissé le pays, il y avait un car qui faisait le service entre la vallée de la Durance et la montagne. Je mis sur le compte de ce moyen de transport relativement rapide le fait que je ne reconnaissais plus les lieux de mes dernières promenades. Il me semblait aussi que l’itinéraire me faisait passer par des endroits nouveaux. J’eus besoin d’un nom de village pour conclure que j’étais bien cependant dans cette région jadis en ruine et désolée. Le car me débarqua à Vergons.
En 1913, ce hameau de dix à douze maisons avait trois habitants. Ils étaient sauvages, se détestaient, vivaient de chasse au piège ; à peu près dans l’état physique et moral des hommes de la préhistoire. Les orties dévoraient autour d’eux les maisons abandonnées. Leur condition était sans espoir. Il ne s’agissait pour eux que d’attendre la mort : situation qui ne prédispose guère aux vertus.
Tout était changé. L’air lui-même. Au lieu des bourrasques sèches et brutales qui m’accueillaient jadis, soufflait une brise souple chargée d’odeurs. Un bruit semblable à celui de l’eau venait des hauteurs : c’était celui du vent dans les forêts. Enfin, chose étonnante, j’entendis le vrai bruit de l’eau coulant dans un bassin. Je vis qu’on avait fait une fontaine, qu’elle était abondante et, ce qui me toucha le plus, on avait planté près d’elle un tilleul qui pouvait déjà avoir dans les quatre ans, déjà gras, symbole incontestable d’une résurrection.
Par ailleurs, Vergons portait les traces d’un travail pour l’entreprise duquel l’espoir était nécessaire. L’espoir était donc revenu. On avait déblayé les ruines, abattu les pans de murs délabrés et reconstruit cinq maisons. Le hameau comptait désormais vingt-huit habitants dont quatre jeunes ménages. Les maisons neuves, crépies de frais, étaient entourées de jardins potagers où poussaient, mélangés mais alignés, les légumes et les fleurs, les choux et les rosiers, les poireaux et les gueules-de-loup, les céleris et les anémones. C’était désormais un endroit ou l’on avait envie d’habiter.
A partir de là, je fis mon chemin à pied. La guerre dont nous sortions à peine n’avait pas permis l’épanouissement complet de la vie, mais Lazare était hors du tombeau. Sur les flans abaissés de la montagne, je voyais de petits champs d’orge et de seigle en herbe ; au fond des étroites vallées, quelques prairies verdissaient.
Il n’a fallu que les huit ans qui nous séparent de cette époque pour que tout le pays resplendisse de santé et d’aisance. Sur l’emplacement des ruines que j’avais vues en 1913, s’élèvent maintenant des fermes propres, bien crépies, qui dénotent une vie heureuse et confortable. Les vieilles sources, alimentées par les pluies et les neiges que retiennent les forêts, se sont remises à couler. On en a canalisé les eaux. A côté de chaque ferme, dans des bosquets d’érables, les bassins des fontaines débordent sur des tapis de menthes fraîches. Les villages se sont reconstruits peu à peu. Une population venue des plaines où la terre se vend cher s’est fixée dans le pays, y apportant de la jeunesse, du mouvement, de l’esprit d’aventure. On rencontre dans les chemins des hommes et des femmes bien nourris, des garçons et des filles qui savent rire et ont repris goût aux fêtes campagnardes. Si on compte l’ancienne population, méconnaissable depuis qu’elle vit avec douceur et les nouveaux venus, plus de dix mille personnes doivent leur bonheur à Elzéard Bouffier.
Quand je réfléchis qu’un homme seul, réduit à ses simples ressources physiques et morales, a suffi pour faire surgir du désert ce pays de Canaan, je trouve que, malgré tout, la condition humaine est admirable. Mais, quand je fais le compte de tout ce qu’il a fallu de constance dans la grandeur d’âme et d’acharnement dans la générosité pour obtenir ce résultat, je suis pris d’un immense respect pour ce vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cette œuvre digne de Dieu.
Elzéard Bouffier est mort paisiblement en 1947 à l’hospice de Banon.
Jean Giono

Je ne voudrais pas paraitre trop prétentieux, mais à l’orée de ces « chroniques du balcon », qui menacent d’atteindre un summum d’inintérêt, j’avais envie de mettre en exergue ces lignes de Xavier de Maistre qui préludent à son « Voyage autour de ma Chambre »:
« J‘ai entrepris et exécuté un voyage de quarante−deux jours autour de ma chambre. Les observations intéressantes que j’ai faites, et le plaisir
continuel que j’ai éprouvé le long du chemin, me faisaient désirer de le rendre public ; la certitude d’être utile m’y a décidé. »


Orienté plein nord, mon balcon mesure 1m28 sur 2m86, . Une porte fenêtre, de la pièce principale, y donne ainsi qu’ une autre porte fenêtre, de la cuisine, et qui forment angle droit. Quand on y (rentre ? pénètre ? je ne sais pas trop quel terme employer s’agissant d’un balcon …) sur la droite, un grand fauteuil paillé que j’ai du acheter quand j’avais une vingtaine d’années. Assurément ce détail ne me rajeunit pas, mais le fauteuil, lui, est encore en bon état même s’il faudrait que je m’en occupe … la paille semble toujours impec mais le montant du côté droit, l’extrémité donc est en train de s’effriter … je l’avais déjà traité : bonne dose de cette saloperie de xylophène et tartines de pâte à bois après avoir enlevé tout ce qui voulait bien partir … mais là, depuis un ou deux ans, ça recommence … je ne sais pas s’il y a, à nouveau, une bestiole, mais ça se barre en couilles de poudre de bois dès qu’on y aventure un ongle … si j’enlève tout ce qui veut bien partir, ça va faire vraiment un gros gros trou … je me demande si le mieux ne serait pas finalement de scier le bout et de le remplacer par un autre morceau de bois parce que, que ça ne soit pas fait dans les règles, je n’en ai pas grand chose à faire après tout, je ne participe pas à un concours de restauration de fauteuil paillé (comme quoi, on peut changer, parce qu’il y a quelques années, jamais je n’aurais raisonné de cette manière…). Je ne me suis pas acheté beaucoup de meubles qui « comptent » dans ma vie … ce fauteuil et puis une petite table de ferme … c’est d’ailleurs sur elle que je suis présentement installé. Je les ai achetés à peu près en même temps quand j’avais une vingtaine d’années … besoin de m’ancrer ? avec ces meubles régionaux ? besoin de m’installer ? quoi de moins « nomade » qu’un « meuble » ? autrement dit, le meuble: symbole d’embourgeoisement ?… l’outil d’initiation qui fait passer le seuil, passer de l’ado à l’adulte ? adulte ? moi ? ça ce saurait … enfin quoi qu’il en soit, les seuls autres meubles que j’ai achetés par la suite étaient des étagères, et puis des étagères, et puis … des étagères … ah si ! il y avait aussi ce fauteuil Voltaire que j’aimais et que j’ai préféré abandonner plutôt que de discuter pour le récupérer, il y a de ça maintenant 7 ans (!!!), parce que j’abandonnais aussi tout ce qui était allé avec pendant plus de vingt ans, c’est comme ça que j’ai laissé une bonne partie de mes « beaux » livres (les Encyclopédies de Pierre Dubois notamment), pas mal de BD (dont les séries « Tintin », « Spirou et Fantasio », et les Corto Maltese), les Pléiade (Montherlant, Giono, Céline, Hemingway) (entre parenthèse, j’aimais bien lire dans ce Voltaire, il était beaucoup mieux adapté à ça que les autres sièges … )

je ne pense pas qu’il faille voir dans la « volonté de puissance » nietzschéenne une illustration de la « lutte pour la vie » d’inspiration darwinienne comme on cherche trop souvent à la réduire. Elle n’est rien d’autre que la volonté de « Créer » dans la mesure où le créateur est celui « en qui la puissance déborde« . Tout en nous cherche à aller au delà de ses limites. Etre puissant, c’est à dire créateur, c’est se dépasser sans cesse en direction des possibilités inexplorées, des perspectives inconnues (l’horizon grand ouvert), et c’est ça que Nietzsche appelle « la Grande Santé » (qu’on voudrait là aussi réduire faussement à une opposition faible-fort…)
La Grande Santé, c’est accueillir la multiplicité de perspectives sur le monde et la vie qui nous compose, c’est accueillir la contradiction, en un mot le tragique de l’existence. Trop souvent, et les monothéistes portent en ce domaine une écrasante responsabilité, l’homme veut ce qu’il appelle « le bien » sans vouloir ce qu’il appelle « le mal », la lumière sans les ténêbres alors que nous, païens (et je ne suis pas si éloigné de l’éthique et de la morale qu’on voudrait bien le croire à première vue …) voulons assimiler la lumière aux ténèbres, savons que l’une ne va pas sans l’autre si nous voulons respecter le bon ordonnancement des choses …pour Nietzsche, Dionysos symbolise l’homme qui accueille inconditionnellement en lui comme hors de lui, les polarités opposées: le bien et le mal (pour faire simple), la vie et la mort, la création et la destruction, ce qui est une démarche complètement païenne… Au delà de ces polarités, s’offre la joie tragique, celle de la lucidité et du oui à la vie : connais toi toi-même et tu connaitras l’Univers et les Dieux
C’est l’Amor Fati, l’amour de la destinée. Cette expression issue du stoïcisme n’invite pas à la résignation, nous vivons avec une définition des choses complètement faussée, qui voudrait que le stoïque soit une espèce de sado maso, l’épicurien un super bon vivant (alors que ce n’est qu’une sorte de stoïque volontaire et que c’est ainsi le confondre faussement avec l’hédoniste), etc. donc aucune résignation mais une acceptation joyeuse : »je veux apprendre toujours plus à voir, dans la nécessité des choses, le beau : je serai aussi un de ceux qui embellissent les choses. Je ne veux pas faire la guerre au laid. Je ne veux pas accuser, même pas les accusateurs. Que regarder ailleurs soit mon unique négation ! Je veux en toutes circonstances n’être plus qu’un homme qui dit oui ! » Telle est selon moi, la véritable figure du « surhomme » : l’homme dionysiaque qui a su redevenir enfant : jeu et nouveau commencement … et , toujours selon moi, la véritable figure du païen, loin de toute souffrance voulue, espérée, mais aussi loin de toute facilité …

Correspondances des Tarots Celtiques de L. Tuan (ed. de Vecchi):

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1. (Bateleur) Lug – Mercure
2. (Papesse) Morrigan – Lune
3. (Impératrice) Brigantia/Brigit – Vierge
4. (Empereur) Amatheon – Lion
5. (Pape) Esus – Jupiter
6. (Amoureux) Nemetona – Gémeaux
7. (Chariot) Teutates – Mars
8. (Justice) Arduinna – Balance
9. (Hermite) Ogmios – Saturne
10. (Roue de la Fortune) Dagda – Neptune
11. (Force) Smertrios – Bélier
12. (Pendu) Gwydion – Poissons
13. (Mort) Sucellos – Capricorne
14. (Tempérance) Diancecht – Verseau
15. (Diable) Cerumno – Scorpion
16. (Maison Dieu) Taranis – Uranus
17. (Etoile) Sirona – Vénus
18. (Lune) Borvo/Manannan – Cancer
19. (Soleil) Belonos – Soleil
20. (Jugement) Epona – Sagittaire
21. (Monde) Artio – Taureau
22. (Mat) Cuchulainn – Pluton

Gros coup de coeur pour ce site sur lequel on est tombé par hasard en tapant « Beltaine »… gros coup de coeur pour son contenu, photos multiples et très belles de Beltane et de Samhuinn fêtés à Edimbourgh … gros coup de coeur pour cette « Beltane Fire Society » qui fait (re) vivre les mythes celtes et païens de la roue des Saisons d’une manière exemplaire … tout ça montre à l’évidence que le paganisme n’est pas mort, qu’il est présent dans nos inconscients individuels et dans l’inconscient collectif mais aussi qu’il est présent dans la rue, et s’y montre, juste et beau, pour le plus grand plaisir de tous …
… gros coups de coeur, mais cette question, agaçante : pourquoi le lien de ce site ne figure-t-il pas sur tous les sites païens qui se respectent … pourquoi ne le croiser que par hasard alors que, je me répète, il est la parfaite illustration de ce que le paganisme n’est pas mort, qu’il peut être vécu dans ses rituels par tout le monde devant tout le monde …. à Edimbourgh …. et pourquoi seulement à Edimbourgh ?…..

http://www.beltane.org/

Olivier Besancenot chez Drucker, à « Vivement Dimanche », précisément ce dimanche 11 mai… Le jeune leader (mais politique chevronné) se défend de céder à la « starisation ». « La représentation médiatique, j’y ai toujours pas pris goût », répond-il, assis sur les canapés rouges de « Vivement dimanche ». Ah Ah Ah … c’est vrai que la LCR a renoncé à la révolution et à la dictature du prolétariat … ahahahah ….. quand on n’entendra plus parler de ce mec là, c’est à ce moment qu’il sera dangereux pour le système … en attendant, le capitalisme et les coquins de la République n’ont pas de grands soucis à se faire … ahahahahah (décidément, j’ai bien fait de tomber sur cette nouvelle, c’est idéal pour se détendre les zygomatiques…)

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